Abstracts
Résumé
Le débat historique et juridique sur le droit applicable au moment de la Conquête a fait couler beaucoup d’encre depuis les travaux des années 1970. L’objectif de cette publication est d’appréhender la part prise par les notaires et la pratique arbitrale dans la « confrontation » supposée entre le système juridique de common law et la tradition juridique civiliste en matière de droit privé. Alors que certains historiens évoquent une « résistance passive » durant les années 1760-1774 de la part des populations face au droit anglais qui leur serait imposé, il semble, au regard des résultats de cette recherche, qu’il existe plutôt une « collaboration active » entre les praticiens du droit de tradition juridique française d’une part, et les juridictions et administrateurs britanniques d’autre part. Si les tenants de la « résistance passive » sont d’avis que les notaires permirent en partie la « survivance » du droit français, il semble que cette préservation des normes françaises, constatée de manière marquante ici, exprime une relation confluente entre système juridictionnel et pratique conventionnelle du droit, entre tradition judiciaire britannique et normes de droit privé françaises. La pratique arbitrale, outil de cette conciliation, s’est imposée naturellement aux protagonistes de cette période, essentiellement en raison de la proximité des mécanismes et des modes d’exécution de cette pratique en common law et en droit français. Pont entre les deux systèmes, elle permet de trancher en amont et en aval de l’Acte de Québec le noeud gordien de la confrontation des traditions juridiques.
Abstract
Questions surrounding Quebec law at the time of the British Conquest resulted in lively historical and legal debates since the 1970s. The purpose of this study is to assess the role of notaries and arbitration in the supposed “clash” between a common law justice system and a civilian private law tradition. While some historians have put forward a “passive resistance” thesis on the part of populations affected by the imposition of British law between 1760 and 1774, the results of this study show that there is, in fact, evidence of “active collaboration” between French legal practitioners on the one hand and British officials on the other hand. If the proponents of the “passive resistance” theory posit that the notaries contributed in part to the “survival” of French law, it seems that the preservation of French legal norms, clearly visible here, is the expression of a convergent relationship between jurisdictional system and customary practice of law, between British judicial tradition and French private law norms. The protagonists of this period were naturally drawn to arbitral practice, a tool for this conciliation, essentially because of the similarities between the mechanisms and methods of execution in the common law and French law. As a bridge between these two systems, one could say that both before and after the Quebec Act, arbitration was the stroke that cut through the Gordian knot of clashing legal traditions.