McGill Law Journal
Revue de droit de McGill
Volume 57, Number 1, September 2011
Table of contents (5 articles)
Articles
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The Place of Legitimacy in Legal Theory
Dan Priel
pp. 1–35
AbstractEN:
In this essay I argue that in order to understand debates in jurisprudence one needs to distinguish clearly between four concepts: validity, content, normativity, and legitimacy. I show that this distinction helps us, first, make sense of fundamental debates in jurisprudence between legal positivists and Dworkin: these should not be understood, as they often are, as debates on the conditions of validity, but rather as debates on the right way of understanding the relationship between these four concepts. I then use this distinction between the four concepts to criticize legal positivism. The positivist account begins with an attempt to explain the conditions of validity and to leave the question of assessment of valid legal norms to the second stage of inquiry. Though appealing, I argue that the notion of validity cannot be given sense outside a preliminary consideration of legitimacy. Following that, I show some further advantages that come from giving a more primary place to questions of legitimacy in jurisprudence.
FR:
Dans cet essai, je soutiens qu’afin de comprendre les débats en théorie du droit, il faut bien distinguer les quatre concepts suivants : la validité, le contenu, la normativité, et la légitimité. Je démontre que cette distinction nous aide d’abord à comprendre les débats fondamentaux en théorie du droit entre les positivistes et Dworkin : nous ne devrions pas comprendre ces débats, comme certains le font, comme des débats sur les conditions de la validité ; ils portent plutôt sur la bonne façon d’apprécier la relation entre ces quatre concepts. Ensuite, je me sers de cette distinction entre les quatre concepts pour critiquer le positivisme juridique. Le récit positiviste essaie d’abord d’expliquer les conditions de la validité, pour ensuite repousser la question de l’évaluation des normes juridiques valides à la deuxième étape de l’analyse. L’idée est intéressante, mais j’affirme toutefois que la notion de validité ne peut avoir de sens qu’après avoir considéré la notion de légitimité dans un premier temps. Suivant cette discussion, j’identifie quelques-uns des avantages additionnels liés au fait d’accorder une place plus primaire aux questions de légitimité en théorie du droit.
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Les théories constitutionnelles de Louis-Philippe Pigeon : L’efficience du partage législatif des compétences et l’incrédulité face à la protection législative des droits fondamentaux
Olivier L. Courtemanche
pp. 37–80
AbstractFR:
Le présent article tentera d’illustrer que l’utilisation des différentes méthodes d’interprétation législative qu’un interprète défend peut permettre de mettre en lumière les théories constitutionnelles plus générales auxquelles il adhère. Cette analyse permettra plus précisément d’identifier les théories constitutionnelles de Louis-Philippe Pigeon, juge à la Cour suprême du Canada de 1967 à 1980. Juriste auprès de différents gouvernements provinciaux, professeur de droit constitutionnel à la Faculté de droit de l’Université Laval, puis juge à la Cour suprême, Louis-Philippe Pigeon approfondit pendant de nombreuses années ses théories constitutionnelles. Toutes sont marquées par la mise en oeuvre des méthodes d’interprétation législative qui lui sont chères. Notre analyse se développe autour de deux thèmes distincts. C’est avant tout par la recherche de l’efficience du partage des compétences législatives que se traduit la conjugaison faite par Louis-Philippe Pigeon entre l’interprétation législative et le droit constitutionnel. Ses opinions dans ce domaine sont d’ailleurs toujours suivies aujourd’hui. À l’opposé, son interprétation des droits fondamentaux protégés par la Déclaration canadienne des droits, basée sur les principes d’interprétation littérale qu’il défend, s’allie difficilement avec la portée que leur accorde la jurisprudence contemporaine. Ralliées à la dissidence, les théories constitutionnelles que défend alors le juge Pigeon sont propres au principe de la séparation des pouvoirs.
EN:
This article will attempt to illustrate that the use of different methods of legislative interpretation that an interpreter defends can reveal something about the more general constitutional theory to which she or he adheres. This analysis will allow us to identify more specifically the constitutional theories of Louis-Philippe Pigeon, judge of the Supreme Court of Canada from 1967 to 1980. Louis-Philippe Pigeon developed his constitutional theories over the course of many years— first as a jurist for various provincial governments, next a professor of constitutional law at the Faculty of Law at Laval University, and finally as justice of the Supreme Court. All these years are marked by the implementation of the different methods of legislative interpretation that were familiar to him. Our analysis develops around two distinct themes. On the one hand, Louis-Philippe Pigeon’s conjugation of legislative interpretation and constitutional law finds expression as a search for an efficient distribution of legislative competences. His opinions in this field are incidentally still followed today. On the other hand, grounded in the principles of literal interpretation, his interpretation of the fundamental rights protected by the Canadian Bill of Rights diverges from the scope that contemporary jurisprudence affords them. While still a dissenting voice, the constitutional theories that Justice Pigeon defended are characteristic of the principle of the separation of powers.
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No Taps, No Toilets: First Nations and the Constitutional Right to Water in Canada
David R. Boyd
pp. 81–134
AbstractEN:
In 1977, the Canadian federal government promised to provide reserves with water and sanitation services comparable to similarly situated non-Aboriginal communities. Despite some progress, thousands of First Nations people, living on reserves across Canada, still lack access to running water or flush toilets. The adverse health effects associated with inadequate water infrastructure include elevated rates of communicable diseases such as influenza, whooping cough (pertussis), shigellosis, and impetigo. Do First Nations have an enforceable constitutional right to water? This article suggests that they do, based on the right to life, liberty, and security of the person under section 7 of the Canadian Charter of Rights and Freedoms; the right to equality under section 15 of the Charter; and governments’ obligation to provide “essential public services of reasonable quality to all Canadians” under section 36 of the Constitution Act, 1982. The legal arguments available pursuant to these constitutional provisions are buttressed by Canada’s obligations pursuant to international human rights law.
FR:
En 1977, le gouvernement fédéral canadien a promis de fournir des réserves qui auraient un accès à l’eau et des installations sanitaires comparables aux communautés non autochtones. En dépit de certains progrès, des milliers de membres des Premières Nations vivant dans des réserves à travers le Canada n’ont toujours pas accès à l’eau courante. Les effets négatifs sur la santé, associés à une infrastructure liée à l’eau inadéquate, inclus des taux plus élevés de maladies contagieuses comme l’influenza, la coqueluche, la shigellose et l’impétigo. Les Premières Nations ont-elles un droit constitutionnel à l’eau ? Cet article suggère que oui, en se basant sur le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne sous l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés ; le droit à l’égalité sous l’article 15 de la Charte ; et l’obligation du gouvernement de « fournir à tous les Canadiens, à un niveau de qualité acceptable, les services publics essentiels » sous l’article 36 de la Loi constitutionnelle de 1982. Les arguments légaux disponibles suivant ces dispositions constitutionnelles sont étayés par les obligations du Canada en droit international des droits de l’homme.
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L’arbitrage notarié, instrument idoine de conciliation des traditions juridiques après la Conquête britannique ? (1760-1784)
David Gilles
pp. 135–185
AbstractFR:
Le débat historique et juridique sur le droit applicable au moment de la Conquête a fait couler beaucoup d’encre depuis les travaux des années 1970. L’objectif de cette publication est d’appréhender la part prise par les notaires et la pratique arbitrale dans la « confrontation » supposée entre le système juridique de common law et la tradition juridique civiliste en matière de droit privé. Alors que certains historiens évoquent une « résistance passive » durant les années 1760-1774 de la part des populations face au droit anglais qui leur serait imposé, il semble, au regard des résultats de cette recherche, qu’il existe plutôt une « collaboration active » entre les praticiens du droit de tradition juridique française d’une part, et les juridictions et administrateurs britanniques d’autre part. Si les tenants de la « résistance passive » sont d’avis que les notaires permirent en partie la « survivance » du droit français, il semble que cette préservation des normes françaises, constatée de manière marquante ici, exprime une relation confluente entre système juridictionnel et pratique conventionnelle du droit, entre tradition judiciaire britannique et normes de droit privé françaises. La pratique arbitrale, outil de cette conciliation, s’est imposée naturellement aux protagonistes de cette période, essentiellement en raison de la proximité des mécanismes et des modes d’exécution de cette pratique en common law et en droit français. Pont entre les deux systèmes, elle permet de trancher en amont et en aval de l’Acte de Québec le noeud gordien de la confrontation des traditions juridiques.
EN:
Questions surrounding Quebec law at the time of the British Conquest resulted in lively historical and legal debates since the 1970s. The purpose of this study is to assess the role of notaries and arbitration in the supposed “clash” between a common law justice system and a civilian private law tradition. While some historians have put forward a “passive resistance” thesis on the part of populations affected by the imposition of British law between 1760 and 1774, the results of this study show that there is, in fact, evidence of “active collaboration” between French legal practitioners on the one hand and British officials on the other hand. If the proponents of the “passive resistance” theory posit that the notaries contributed in part to the “survival” of French law, it seems that the preservation of French legal norms, clearly visible here, is the expression of a convergent relationship between jurisdictional system and customary practice of law, between British judicial tradition and French private law norms. The protagonists of this period were naturally drawn to arbitral practice, a tool for this conciliation, essentially because of the similarities between the mechanisms and methods of execution in the common law and French law. As a bridge between these two systems, one could say that both before and after the Quebec Act, arbitration was the stroke that cut through the Gordian knot of clashing legal traditions.
F. R. Scott lecture / Conférence F. R. Scott
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The Effect of Alcohol on the Canadian Constitution ... Seriously
Morris J. Fish
pp. 189–209
AbstractEN:
Alcohol has exerted a staggering influence on the Canadian constitution. It was a prominent feature of daily life in the young Dominion, much to both the delight and chagrin of many. The temperance movement exerted its own influence on both the federal and provincial legislatures. Without “alcohol” as a head of power, the legislatures claimed control over this seeming, social evil sometimes under “Peace, Order and Good Government”, “criminal law”, or “Trade and Commerce”; at other times under “Property and Civil Rights”, “Local Matters”, and so forth. Court challenges abounded; the result was, in part, the judiciary’s failure to walk a straight line toward a clear division of powers between the federal and provincial governments. But the result was also many of the doctrines of division of powers that still form part of Canadian constitutional law. Beyond its impact on the division of powers, alcohol was also at the root of Canada’s most important decision on the rule of law: Roncarelli—a decision argued and won by the late F. R. Scott.
FR:
L’alcool a exercé une grande influence sur la constitution canadienne. Ce fut un élément marquant de la vie quotidienne au sein du jeune Dominion, étant source de plaisir ou de dépit pour plusieurs. Le mouvement pour la tempérance influença les autorités législative fédérales et provinciales. Sans l’« alcool » comme chef de compétence distinct, les pouvoirs législatifs ont voulu exercer leur autorité sur ce fléau social, le qualifiant soit sous le chef de compétence « paix, ordre et bon gouvernement », « droit criminel », ou « échanges et commerce » ; soit sous « propriété et droits civils », « matières de nature locale », et ainsi de suite. Les recours en justice furent nombreux ; le résultat fut, en partie, l’échec des tribunaux à tracer une ligne séparant clairement les pouvoirs des gouvernements fédéraux et provinciaux. Le résultat fut également le développement de plusieurs doctrines sur la séparation des pouvoirs, qui font toujours partie du droit constitutionnel canadien. Au-delà de son impact sur la séparation des pouvoirs, l’alcool fut au coeur de la décision la plus importante sur la primauté du droit au Canada : Roncarelli—une décision plaidée et gagnée par feu F. R. Scott.