McGill Law Journal
Revue de droit de McGill
Volume 56, Number 3, April 2011
Table of contents (8 articles)
Articles
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La controverse sur la nature du droit applicable après la conquête
Arnaud Decroix
pp. 489–542
AbstractFR:
Le 8 septembre 1760, la capitulation de Montréal marque la fin de la souveraineté française au Canada. Durant la période militaire, le droit d’origine française a toutefois continué de s’appliquer. La Proclamation royale du 7 octobre 1763 se contente de déclarer que les habitants de la nouvelle province de Québec pourront désormais bénéficier des « bienfaits des lois » du royaume d’Angleterre tout en précisant que les tribunaux jugeront « suivant la loi et l’équité, conformément autant que possible aux lois anglaises ». Bien que l’ordonnance du 17 septembre 1764 établisse la Cour du Banc du Roi et la Cour des plaidoyers communs, le droit applicable par ces juridictions reste confus. De nombreux auteurs ont longtemps considéré que l’ordonnance de 1764 avait introduit « en bloc, et sans même en faire la promulgation, tout le droit civil et criminel de l’Angleterre ». Dans le même temps, d’autres ont soutenu l’opinion inverse, selon laquelle les principales règles du droit civil français auraient été maintenues en pratique. Cet article cherche précisément à répondre à ces interrogations. Si le droit français continue de s’appliquer, même aux sujets d’origine britannique, cette application est définitivement généralisée après l’entrée en vigueur de l’Acte de Québec, le 1er mai 1775, et bien que certaines dispositions du droit anglais soient parfois réclamées. En définitive, il ressort clairement que la nature du droit invoqué par les parties dépend étroitement de la cause à défendre et des moyens les plus utiles à celle-ci.
EN:
The capitulation of Montreal on 8 September 1760 marks the end of French sovereignty in Canada. During the military period, the law originating from France was nonetheless still applied. The Royal Proclamation of 7 October 1763 merely declared that the inhabitants of the new Province of Quebec would henceforth enjoy the “Blessings of the British Laws”, while at the same time specifying that courts will adjudicate criminal and civil matters “according to law and equity, and, as near as may be, agreeable to the Laws of England.” Although the Ordinance of 17 September 1964 established the Court of King’s Bench and the Court of Common Pleas, the applicable law of these jurisdictions remained unclear. Many authors have long held that the 1764 ordinance introduced all of England’s civil and criminal law at once, without promulgating it. Others have supported the opposite view, that in practice the main rules of French civil law were maintained. This article aims to address these queries. If French law continued to apply, even to subjects of British origin, this application was definitively generalized after the Quebec Act on 1 May 1775 came into force, despite the fact that it was sometimes requested that English law apply. In the end, it becomes clear that the nature of the law invoked by the parties strictly depends on the cause to be defended and the best ways by which to do this.
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The Lockean Constitution: Separation of Powers and the Limits of Prerogative
David Jenkins
pp. 543–589
AbstractEN:
In the post-9/11 era, many legal scholars have advanced theories of constitutional law that make allowance for unreviewable discretionary decision making by the executive branch, particularly in the context of the “war on terror”. Drawing on Lockean constitutional theory for normative support, the author develops an alternative constitutional model that addresses the problem of discretionary executive power. Locke’s constitution divides political power between the executive and the legislature, with the latter checking and balancing the former. Both the executive and the legislature have a fiduciary trust to act for the public good. Locke closely links the public good and the constitution such that any breach of the constitution is per se a breach of the public good. Therefore, unreviewable decision making by the executive always violates its trust because it is a breach of the constitution. After setting out Locke’s theory of separation of powers, the author presents a modified model that makes the judiciary, in addition to the legislature, responsible for the accountability of executive decision makers. Although the executive retains its prerogative power, it must always remain accountable to the legislature and the courts, even in emergencies.
FR:
Depuis le 11 septembre, de nombreux juristes ont avancé des théories de droit constitutionnel qui permettent à l’exécutif un pouvoir discrétionnaire incontrôlable, particulièrement dans le contexte de la «guerre contre le terrorisme». S’appuyant sur le soutien normatif de la théorie constitutionnelle de Locke, l’auteur développe un modèle constitutionnel alternatif qui aborde le problème du pouvoir exécutif discrétionnaire. La constitution de Locke répartit le pouvoir politique entre l’exécutif et le législatif, avec le pouvoir législatif contrôlant le pouvoir exécutif. Les deux branches ont un obligation fiduciaire d’agir pour le bien public. Locke lie le bien public et la constitution d’une manière étroite, faisant en sorte que toute violation de la constitution représente en soi une violation du bien public. Tout décision incontrôlable prise par l’exécutif viole donc toujours son obligation fiduciaire en portant atteinte à la constitution. Après avoir exposé la théorie de Locke sur la séparation des pouvoirs, l’auteur présente un modèle modifié qui rend l’appareil judiciaire, en plus de la législature, responsable de la responsabilisation de l’exécutif. Bien que l’exécutif conserve sa prérogative, il doit toujours rester responsable devant le parlement et les tribunaux, même en cas d’urgence.
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Sales or Plans: A Comparative Account of the “New” Corporate Reorganization
Stephanie Ben-Ishai and Stephen J. Lubben
pp. 591–627
AbstractEN:
In this article, Professors Stephanie Ben-Ishai and Stephen Lubben explore the recent surge in popularity of “quick sales”, essentially the prereorganization sale of an insolvent debtor’s assets. In their examination of quick sales, the authors use the recent examples of the General Motors, Chrysler, and Lehman Brothers insolvencies to illustrate the popularity and relevance of preplan sales. The authors then move on to a more detailed discussion of the quick-sales process in the United States and Canada, explaining the differences and similarities between both countries’ regimes, and weighing the costs and benefits of each approach. Ultimately, the authors argue that elements of speed and certainty mark the biggest difference between the two jurisdictions, as the American approach offers greater flexibility, which is apt to facilitate quicker asset sales. However, Ben-Ishai and Lubben assert that the Canadian approach also provides significant benefits, particularly in the realm of employee protection and the ability of the monitor to act as an independent check on quick-sales proceedings. Accordingly, the authors conclude that while the American approach is advantageous in situations with exceptional time constraints, the Canadian approach under the Companies Creditors’ Arrangement Act (CCAA) is more beneficial for a typical corporate reorganization, insofar as the role of the monitor and other limitations of the CCAA prevent overuse of the quick-sales process.
FR:
Cet article explore l’envolée des « ventes rapides », soit la vente des actifs d’un débiteur insolvable avant une réorganisation corporative. Aux fins de cet examen, les auteurs utilisent les exemples récents de General Motors, Chrysler, et Lehman Brothers pour souligner la popularité et la pertinence des ventes « préplan ». Les auteurs passent ensuite à une discussion plus détaillée du processus de ventes rapide aux États-Unis et au Canada, expliquant les différences et les similitudes entre les régimes des deux pays, et évaluant les avantages et les désavantages de chaque régime. Les auteurs font valoir que les éléments de vitesse et de sécurité marquent la plus grande différence entre les deux pays, et que l’approche américaine offre une plus grande flexibilité, ce qui est de nature à faciliter les ventes d’actifs plus rapidement. Toutefois, les auteurs affirment que l’approche canadienne offre également des avantages considérables, en particulier dans le domaine de la protection des employés et en ce qui concerne la capacité du moniteur à agir comme un contrôle indépendant sur les procédures de vente rapide. Les auteurs concluent donc que, bien que l’approche américaine est avantageuse dans des situations exceptionnelles qui comportent des contraintes de temps, l’approche canadienne en vertu de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (LACC) est plus bénéfique dans le contexte d’une réorganisation d’entreprise classique, dans la mesure où le rôle du moniteur et d’autres consignes de la LACC préviennent l’abus du processus de vente rapide.
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L’immunité de l’acte de fonction et la responsabilité pénale pour crimes internationaux des gouvernants en exercice
Alain-Guy Tachou-Sipowo
pp. 629–672
AbstractFR:
Avec la création des tribunaux pénaux internationaux des Nations Unies et l’entrée en vigueur le 1er juillet 2002 du Traité de Rome instituant la Cour pénale internationale, le statut pénal des hauts fonctionnaires des États en droit international est devenu difficile à saisir. Le caractère impératif des normes qui fondent la répression des crimes de jus cogens tend à effacer, dans l’imagerie des défenseurs des droits de la personne, la distinction entre la responsabilité des gouvernants en exercice et celle des anciens dirigeants. Or le droit international est demeuré westphalien sur la question. L’auteur démontre que pour cette catégorie de personnes, une immunité devant les tribunaux étrangers subsiste. Il soutient aussi que la contribution de la justice pénale internationale au changement de paradigme est limitée du point de vue de la nature des crimes poursuivis et de la compétence des tribunaux internationaux devant lesquels la qualité officielle n’est pas admissible comme moyen de défense.
EN:
With the creation of the United Nations’ international criminal tribunals and the coming into force of the Treaty of Rome on 1 July 2002, which instituted the International Criminal Court, it has become difficult to understand the penal status of high ranking government officials under international law. The imperative nature of the norms that underlie the repression of jus cogens crimes tends to erase, in the eyes of human rights defenders, the distinction between the liability of officials while in office and that of former leaders. And yet, international law has remained Westphalian when it comes to this issue. The author demonstrates that these officials remain immune before foreign courts. The author also argues that international criminal law has made a limited contribution to changing the paradigm when it comes to the nature of crimes for which proceedings are instituted as well as the competence of international tribunals, before whom official capacity is an inadmissible defence.
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The Downside of Preclusion: Some Behavioural and Economic Effects of Cause of Action Estoppel in Civil Actions
Yuval Sinai
pp. 673–716
AbstractEN:
The primary objective of the present article is to draw attention to the drawbacks of preclusion, especially of the rules of cause of action estoppel. The article challenges the traditional assumption that the rule of cause of action estoppel increases efficiency by introducing some economic and behavioural effects of the rule, especially the effects of the rule against splitting a single claim or cause of action.
Analysis of the effects of cause of action estoppel has three major methodological goals: (a) to re-examine the rule in light of the behaviour modification model, (b) to evaluate the economic efficiency of the rule and its effect on the cost of litigation, and (c) to consider the influence of the rule on the chances of reaching a settlement.
The article discusses the problematic incentives of litigating parties under the current Anglo-American rule of cause of action estoppel, and some of its harmful effects on the conduct and cost of litigation as well as on the chances of reaching a settlement. The article shows that, in many cases, the cause of action estoppel rules have undesirable effects on the conduct of litigation, including stimulating overlitigation in the initial action. Furthermore, the rule against splitting a single cause of action does not always contribute to an economically efficient legal system, and reduces the chances of reaching a settlement, which has a harmful effect on both the economic and behavioural aspects of litigation. By contrast, allowing the splitting of a single cause of action can significantly increase the litigants’ incentives to settle, providing the parties with opportunities for employing useful settlement strategies.
FR:
L’objectif principal de cet article est d’attirer l’attention sur les inconvénients de la préclusion, surtout en ce qui a trait aux règles entourant l’irrecevabilité résultant de l’identité des causes d’actions (IRICA). Cet article remet en question le postulat traditionnel selon lequel la règle de l’IRICA augmente l’efficacité en introduisant des effets économiques et comportementaux, surtout ceux qui interdisent la scission d’une seule demande ou cause d’action. L’analyse des effets de la règle de l’IRICA comporte trois objectifs méthodologiques principaux : (a) réexaminer la règle à la lumière du modèle des effets sur le comportement, (b) évaluer l’efficience économique de la règle et de ses effets sur le coût des litiges et (c) étudier l’influence de la règle sur les chances d’en arriver à un règlement hors cour.
Cet article aborde les problèmes rattachés aux incitatifs des parties en litige sous la règle anglo-américaine de l’IRICA actuelle, ainsi que certains des effets néfastes de la règle sur la conduite et les coûts du litige et sur les chances d’en arriver à un règlement hors cour. L’auteur démontre que dans de nombreux cas, les règles entourant l’IRICA ont des effets indésirables sur le déroulement des litiges, y compris les procédures excessives lors de l’action initiale. De plus, la règle interdisant la scission d’une même cause d’action ne contribue pas toujours à augmenter l’efficience économique du système juridique et réduit les chances d’en arriver à un règlement hors-cour, ce qui nuit tant à l’aspect économique que comportemental du litige. Par contre, le fait de permettre la scission d’une même cause d’action peut augmenter de façon significative les incitatifs des parties pour s’entendre sur un règlement hors cour, leur donnant des occasions d’utiliser des stratégies de règlement utiles.
Case Comments / Chroniques de jurisprudence
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An Exemption for Sincere Believers: The Challenge of Alberta v. Hutterian Brethren of Wilson Colony
Sara Weinrib
pp. 719–750
AbstractEN:
In Alberta v. Hutterian Brethren of Wilson Colony, the Supreme Court of Canada reconfigured its approach to section 1 of the Canadian Charter of Human Rights and Freedoms by holding that the final step of the R. v. Oakes test—the requirement of proportionality between a measure’s salutary and deleterious effects—provided the critical framework for its analysis. The author suggests that the Court’s emphasis on the last step of the Oakes test was not the most appropriate response to the specific minimal impairment argument Alberta presented. Alberta argued that the reason it could not safely offer an exemption from its licence photo requirement to Hutterites who objected to photos on religious grounds was because Syndicat Northcrest v. Amselem restricted government inquiries into the sincerity of religious beliefs. Ontario intervened in support of Alberta’s concerns. Although the Court did not address this minimal impairment argument, the author argues that it reflects an unnecessarily strict reading of how Amselem’s guidelines would apply in this context. In support, the author presents an exemption that would have cohered with Amselem and achieved Alberta’s safety objectives. The author then argues more broadly that the provinces’ concerns in Hutterian Brethren demonstrate the critical role the minimal impairment step of the Oakes test plays in generating solutions to clashes between laws of general application and minority religious practices. The Court’s new emphasis on the proportionate effects test, in contrast, may unfortunately discourage both parties from formulating potentially innovative alternatives.
FR:
Dans l’affaire Alberta c. Hutterian Brethren of Wilson Colony, la Cour suprême du Canada a reconfiguré son approche quant à l’article 1 de la Charte canadienne des droits et libertés en statuant que la dernière étape du critère établi dans R. c. Oakes (soit la condition de proportionnalité entre les effets salutaires et délétères d’une mesure) formait le cadre essentiel de son analyse. L'auteure suggère que l’accent mis par la cour sur cette dernière étape du critère Oakes ne représentait pas la meilleure réponse aux arguments spécifiques avancés par l’Alberta en matière d’atteinte minimale. L’Alberta soutenait que la province ne pouvait exempter les huttérites de l'exigence de prise de photo de permis, même s’ils s’y opposaient pour des motifs religieux. La province justifiait cette position à la lumière de son interprétation de la décision Syndicat Northcrest c. Amselem, selon laquelle les gouvernements ne pouvaient enquêter sur la sincérité des croyances religieuses. L’Ontario, en tant qu’intervenant, a appuyé les arguments de l’Alberta. Bien que la cour n’ait pas abordé l’analyse de l’atteinte minimale, l’auteure suggère que les provinces ont interprété Amselem de façon inutilement stricte. L’auteure propose ainsi une exemption qui adhère aux critères d’Amselem tout en remplissant les objectifs de l’Alberta en matière de sécurité. De façon plus générale, l’auteure stipule que la préoccupation des provinces dans Hutterian Brethren démontre le rôle critique que joue le critère de l’atteinte minimale dans Oakes pour générer des solutions aux conflits entre les lois d’application générale et les pratiques religieuses minoritaires. Par contraste, l’accent mis par la cour sur le critère des effets proportionnels pourrait malheureusement décourager les parties de formuler des alternatives potentiellement novatrices.
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Kuwait Airways Corp. c. Irak, 2010 CSC 40