Abstracts
Résumé
Cet article se veut une réflexion sur l’apport des langues minoritaires et minorisées à la diversité culturelle mondiale, aux connaissances portées par celles-ci et à la façon dont elles contribuent à mieux comprendre les capacités de l’esprit humain. Il y est question de l’épineuse notion de relativité linguistique et du jeu entre l’influence de la langue sur la pensée et le reflet des catégories conceptuelles des groupes humains dans la langue qu’ils parlent. Les patrons de lexicalisation, les mots et les grammaires culturellement spécifiques cités dans ce texte contribuent à illustrer la diversité linguistique à laquelle nous accédons par le biais des langues. La sauvegarde de cette diversité est évidemment implicite dans mes propos, mais j’insiste fortement sur l’importance du rôle des usagères et usagers des langues dans ce processus.
Mots-clés :
- diversité linguistique,
- relativité linguistique,
- conceptualisation,
- savoirs,
- langues autochtones
Abstract
This article aims to reflect on the contribution of minority and minorized languages to global cultural diversity, the knowledge they hold and how they contribute to a better understanding of the capacities of the human mind. It deals with the thorny notion of linguistic relativity and the interplay between the influence of language on thought and the reflection of the conceptual categories of human groups in the language they speak. The patterns of lexicalization and the culturally specific words and grammars cited in this text help to illustrate the linguistic diversity we access through languages. Safeguarding this diversity is obviously implicit in my remarks, but I strongly stress the importance of the role of language users in this process.
Keywords:
- linguistic diversity,
- linguistic relativity,
- conceptualization,
- knowledge,
- indigenous languages
Article body
Introduction
Cet article a pour principal objectif de faire découvrir la diversité des langues autochtones tout en contribuant à la réflexion sur l’importance des langues dans la vie d’un peuple. Il s’inscrit dans la célébration de la Décennie internationale des langues autochtones, des langues de nations qui ont été malmenées, notamment par les régimes coloniaux. Elles se retrouvent dans tous les continents, souvent dans des situations de langue minoritaire et minorisée (ou minorée selon Carrée et Thierry, 2020). J’utilise ici le terme « minorisée » pour indiquer que ces langues ont été marginalisées, interdites et que le droit des locutrices et locuteurs ont été bafoués. Certaines d’entre elles sont aussi en situation minoritaire, car elles sont parlées par des petits groupes. L’article est organisé comme suit. La section 1 présente les réflexions quant à l’impact de la langue sur le système conceptuel et les processus cognitifs comme la mémoire ou la catégorisation, des éléments qu’on englobe généralement sous l’étiquette « pensée » (thought). Il y est question de la théorie de la relativité linguistique, dans sa version forte et faible, et des études expérimentales qui cherchent à la valider ou l’invalider. La section 2 est consacrée aux patrons de lexicalisation et mots culturellement spécifiques et vise à illustrer les manifestations linguistiques qui matérialisent en quelque sorte les expériences historiques et culturelles propres à une communauté linguistique donnée. Finalement, dans la section 3, je discute des connaissances et des savoirs auxquels il est possible d’accéder par le biais des langues et du rôle actif que les communautés linguistiques concernées ont à jouer dans leurs préservation et valorisation.
1. La relativité linguistique ou l’hypothèse Sapir-Whorf
Depuis déjà des siècles, philosophes, linguistes et anthropologues se sont penchés sur la question à savoir si la langue que l’on parle a un impact sur la pensée (voir Locke, 1690; Humboldt, 1827, Sapir, 1958, Whorf, 1956 cités dans Delbecque, 2006). Aussi connue comme l’hypothèse Sapir-Whorf – même si ces deux personnes n’ont jamais publié ensemble –, la théorie de la relativité linguistique prend racine dans les recherches sur la langue hopi (langue de la famille uto-aztèque parlée en Arizona) au début des années 1930. Basé sur des entretiens avec un locuteur hopi de New York et ensuite sur des travaux de terrain en Arizona, Whorf (1956, cité dans Evans et Saint-Upéry, 2012) a observé des différences structurelles frappantes entre cette langue et les langues indo-européennes. Une de ces différences concerne la façon de conceptualiser le temps et ceci se traduit, d’après Whorf, en l’absence totale de mots, construction grammaticale ou expression pour faire référence au « temps ». De plus, et contrairement aux langues indo-européennes qui quantifient la notion de temps sur une base comptable (ex. : deux jours, cinq heures), la langue hopi insiste sur la succession des évènements, et donc plutôt que de référer à « deux jours », par exemple, elle ferait référence au « deuxième jour » (Delbecque, 2006). De ce fait, la conception du temps dans l’esprit des locuteurs hopi ne serait pas linéaire et objectivable, mais plutôt évènementielle et cyclique, c’est-à-dire construite « à partir de processus de transformation d’états successifs de l’Univers renforcé par diverses notions à base subjective » (Evans et Saint-Upéry, 2012, p. 245).
Ce genre d’observation a amené Whorf à proposer une sorte de déterminisme linguistique (ou version forte de la théorie de la relativité) selon lequel la langue que nous parlons nous obligerait à classer les concepts, découper la nature et attribuer du sens d’une façon particulière :
… avant tout parce que nous sommes parties prenantes dans un contrat qui nous oblige à organiser les choses de cette façon – un contrat qui engage notre communauté linguistique tout entière et qui est codifié dans les structures de notre langue.
Whorf, 1956, cité dans Delbecque, 2006, p. 167
Whorf a été critiqué de manière très acerbe par les linguistes, les anthropologues et les psychologues, surtout par les défenseurs de l’universalisme linguistique, dont le psychologue Steven Pinker (2013) ou le philosophe Jerry Fodor (1985, cité dans Pinker, 2013) et tous les adeptes de la grammaire générative chomskienne. Les critiques sont fondées sur des lacunes méthodologiques et empiriques. Ces dernières ont été démontrées notamment par Malotki (1983, cité dans Evans et Saint-Upéry, 2012, p. 245) qui a publié un compte rendu détaillé des différentes façons de parler du temps en hopi.
Mais au-delà des problèmes méthodologiques qui sont indéniables, la réflexion de Whorf a ouvert la porte à un questionnement profond sur les rapports entre la langue et la pensée. Réflexion qui a été reprise depuis les années 1990 sous la forme de la version faible de la relativité linguistique.
1.1. Les études expérimentales
La version faible de la relativité linguistique postule simplement que la langue que nous parlons a pour effet de rendre plus aisées certaines distinctions, par exemple les couleurs (voir Kay et Kempson, 1984, cité dans McGregor, 2015), ou de diriger notre attention sur différents aspects de la réalité selon les traits grammaticaux de notre langue (Slobin, 1996). Nous verrons plus bas que l’influence de la langue sur la pensée dans des tâches linguistiques n’a plus à être prouvée, mais la question qui demeure est de savoir si celle-ci influence notre façon de penser même lorsque nous ne l’utilisons pas. C’est la question que plusieurs linguistes et psychologues se sont posée, autrement dit, la langue que nous parlons a-t-elle également une emprise dans les tâches non linguistiques?
Pour pouvoir répondre à cette question, il a fallu combiner le travail des linguistes et des psychologues et se concentrer sur des méthodes expérimentales. D’un côté, certaines expérimentations ne sont pas concluantes, comme la comparaison entre le grec et l’anglais dans le raisonnement qui sous-tend la notion de mouvement (reasoning about motion). De fait, des chercheurs et chercheuses (Papafragou et al., 2002) ont comparé la performance d’enfants et d’adultes dans des tâches non linguistiques (mémoire et catégorisation) qui impliquent du mouvement (motion events) et dans les descriptions linguistiques de ces mêmes mouvements. Ils concluent que les sujets anglophones et hellénophones adultes ne diffèrent pas dans leur performance des tests cognitifs de mémoire et de catégorisation malgré les différences linguistiques.
Toutefois, les études portant sur les systèmes de coordination spatiale, qui comparent entre autres le guugu yimithirr (une langue australienne) et l’anglais (Gumperz et Levinson, 1996), ou sur la catégorisation en coréen et en anglais (Bowerman et Choi, 2003) suggèrent des corrélations assez solides entre des catégories linguistiques et des aspects cognitifs telles la mémorisation, les inférences spatiales, la reconnaissance visuelle, etc.
Si les résultats qui démontrent l’influence de la langue dans les tâches non linguistiques sont encore mitigés, il est difficile de contredire le fait que dans les tâches linguistiques – c’est-à-dire quand les sujets réalisent des tâches expérimentales requérant de s’exprimer dans leur langue –, ces derniers se comportent différemment quant à la mémoire et la catégorisation selon la langue qu’ils parlent. C’est dans cette veine que Slobin (Slobin, 1996) développe l’hypothèse thinking for speaking (TFS) selon laquelle les locutrices et locuteurs d’une langue ont recours aux aspects linguistiques qui leur sont plus accessibles pour parler de la réalité autour d’eux. Les langues présentent des manières diverses d’encoder des composantes conceptuelles dans des unités lexicales, comme des mots ou des affixes. Et c’est cette diversité qui se traduit dans la notion de « penser pour parler ».
Une des catégories linguistiques souvent citées dans la littérature est celle des verbes de déplacement. Les équipes de recherche se basent notamment sur la typologie de Leonard Talmy (1985), qui propose de partir de certains primitifs sémantiques (ou composantes conceptuelles) comme le trajet, la manière, le lieu, la cible (figure) et la cause pour examiner comment ces primitifs sont lexicalisés (encodés) selon les langues. Conformément à cette typologie, les langues varient suivant la façon dont le trajet parcouru dans un déplacement est exprimé. Certaines langues présentent des verbes de déplacement qui expriment le trajet dans le verbe (verb-framed languages) et d’autres qui l’expriment dans les compléments ou « satellites » (satellite-framed languages). Par exemple, le français étant une langue à cadrage verbal (verb framed), on prononcera une phrase comme celle-ci : « il est sorti de la maison en courant ». Dans le verbe « sortir », on retrouve la notion de mouvement combinée avec le trajet (de l’intérieur vers l’extérieur). La manière dont le mouvement est réalisé – en courant – est encodée dans un complément. La même phrase en anglais, qui est une langue à satellite, se dirait : « he ran out of the house ». Dans ce cas-ci, le verbe encode à la fois le mouvement et la manière (ran), mais le trajet est encodé dans la préposition (selon la terminologie de Talmy, le « satellite »).
Slobin (2014) compare les descriptions d’histoires sans paroles avec des images de mouvement (tomber, sauter, aller, etc.) d’enfants locuteurs et locutrices de quatre langues différentes. Deux langues à cadrage verbal (l’espagnol et l’hébreu) et deux à cadrage satellite (l’anglais et l’allemand). Il observe que les enfants anglophones et germanophones utilisent plus fréquemment et de façon beaucoup plus élaborée les locatifs et les prépositions de lieu que leurs pairs hispanophones et hébréophones. En ayant accès à ce genre d’expressions locatives, les premiers expriment de façon beaucoup plus compacte les évènements. En revanche, les derniers utilisent des stratégies narratives plus étendues qui décortiquent la scène en plus petites phrases locatives, surtout des propositions relatives avec des verbes existentiels ou d’état. Des études de ce genre suggèrent l’existence d’une forme de représentation mentale qui est intimement liée à la langue que nous parlons et qui, ultimement, existe à cause de celle-ci.
2. Patrons de lexicalisation et mots culturellement spécifiques
Comme l’affirme Delbecque (Delbecque, 2006), « [l]a grande majorité des mots d’une langue ont des sens complexes et relativement spécifiques qui reflètent et incarnent en quelque sorte les expériences historiques et culturelles distinctives de la communauté linguistique concernée ».
Fanny York (York et Drapeau, 2010) s’est intéressée aux patrons de lexicalisation du déplacement dans les verbes innus. Le verbe innu – et cette caractéristique s’applique à la majorité des langues algonquiennes – présente une structure très particulière, car tous les éléments se retrouvent à l’intérieur du verbe en tant que morphèmes liés (et non pas comme des mots indépendants). Prenons l’exemple du verbe natakamessetshipitshu, qui se traduit par « il se dirige (de l’intérieur) vers la lisière du marécage ou de la tourbière à pied en tirant une tabagane ». York (2015, p. 13) analyse les morphèmes à l’intérieur de ce verbe de la façon suivante :
Natakam- est une initiale complexe qui se traduit par « se diriger vers le rivage, ou la lisière d’un marécage »
-essetshi- est une variation phonologique d’une médiane de géographie et d’environnement (Drapeau, 2014, p. 463), -assetsh-, qui se traduit par « savane, tourbière, marécage »
-pitshi- est une finale de déplacement qui se traduit par « se déplacer à pied avec une tabagane » (Drapeau, 2014, p. 415).
Finalement, le suffixe -u est la marque de la 3e personne singulière.
On peut observer que l’innu-aimun lexicalise le trajet (et dans cet exemple-ci, le site aussi) dans la racine et la cause (dans d’autres cas, la manière) dans la finale.
Cet exemple est révélateur d’un degré d’élaboration lexicale très pointu. Par exemple, on retrouve des suffixes comme -(i)kashi-, qui se traduit par « se déplacer à pied dans l’eau » comme dans naneukashu : « il/elle marche dans l’eau le long du rivage ». Dans ce cas-ci, la notion de marcher dans l’eau s’exprime en français par une phrase constituée d’un verbe et d’un complément, et en innu, par un suffixe. Ainsi, la notion de marche dans l’eau est « lexicalisée » en innu, mais pas en français, car pour rendre la même idée, il faut recourir à une construction syntaxique (donc une combinaison d’unités lexicales et grammaticales). Par ailleurs, il existe en innu-aimun des centaines d’affixes verbaux très détaillés pour décrire les évènements selon la posture (debout, assis, etc.), l’environnement géographique (dans une falaise, dans le brouillard), les forces naturelles (le vent, le courant), la manière (en marchant, en traînant un objet), etc. (Drapeau, 2014). Les langues algonquiennes n’ont pas fait l’objet d’études expérimentales à la Slobin encore, mais on peut supposer que la façon de parler d’un évènement dans ces langues diffère radicalement des langues qui ne lexicalisent pas ce genre d’information.
2.1.1. Nitaskinan
Un exemple éloquent est celui présenté par Julie Depeltau (Depeltau, 2019) lorsqu’elle analyse les discours autour des négociations territoriales des Atikamekw Nehirowisiwok avec le gouvernement. Dans le cadre de sa recherche, elle réalise une revue de littérature autour du concept de territoire et en particulier du territoire atikamekw. Le terme utilisé dans les négociations territoriales par les Atikamekw est nitaskinan, qui veut dire « notre terre » et qui se décompose comme suit : nit-aski-nan. Le préfixe ni(t)- fait référence à la 1re personne grammaticale, aski, qui pourrait se traduire par la terre, et le suffixe -nan pour le pluriel. Il est à noter que la combinaison de ni(t)- avec -nan réfère à un nous exclusif, c’est-à-dire qu’elle exclut la personne à qui on s’adresse (donc notre terre et pas la vôtre) et que lorsque les Atikamekw parlent entre eux, ils utilisent kitaskino. Cette dernière formule contient le préfixe possessif de 2e personne ki(t)- suivi de aski « terre » et du suffixe -no pour le pluriel. En combinant kit- et -no, on obtient le nous inclusif, qui inclut la personne à qui on s’adresse. Par ailleurs, le terme utilisé pour les négociations n’est pas le même que les Atikamekw Nehirowisiwok utilisent pour parler traditionnellement du territoire, notcimik, qui grosso modo veut dire « d’où je viens ». « Notcimik est ainsi une origine ou un chez-soi qui nourrit l’identité atikamekw nehirowisiwok au fil des interactions qui s’y vivent » (Wyatt et Chilton 2014, p. 65, cités dans Depeltau, 2019). La thèse de Depeltau (2019) est que l’objet « territoire » n’est pas conçu de la même façon par les Atikamekw Nehirowisiwok et par les négociateurs qui représentent les gouvernements coloniaux.
Dans les discours francophones des représentants politiques des Atikamekw Nehirowisiwok, Nitaskinan est essentiellement produit par un rapport des Atikamekw Nehirowisiwok à ce territoire, qui est à la base de l’identité nehirowisiw […] Dans les discours francophones des gouvernements coloniaux, le territoire est essentiellement produit par un rapport juridique de propriété, qui fonde la souveraineté coloniale sur des territoires non cédés.
Depeltau, 2019
Chez une autre Première Nation, les Innus, le terme nitassinan, un congénère de nitaskinan, a commencé à être utilisé seulement dans les années 80. Joséphine Bacon (communication personnelle) m’expliquait que les Innus ont eu recours à cette formulation parce que le mot nutshimit, un congénère de notcimik, ne peut pas recevoir un préfixe possessif, et donc, précise-t-elle, on ne pouvait pas parler de « notre » nutshimit. Dans la même veine, selon Jimmy-Angel Bossum (Institut de développement durable des Premières Nations du Québec et du Labrador – IDDPNQL, 2020), « le terme est apparu dans les années 80 avec les affirmations territoriales. Autrefois, dit-il, il n’y avait pas de conception d’appartenance associée à la terre. On disait plutôt nutshimit qui signifie : “dans le bois, en forêt, à l’intérieur des terres” ». Ce n’est pas une coïncidence que la phrase revenant le plus dans les discussions sur le territoire chez les Atikamekw Nehirowisiwok est « le territoire n’appartient pas aux Atikamekw Nehirowisiwok, ils appartiennent au territoire » (Atikamekw Sipi, cité dans Depeltau, 2019, p. 481).
Ainsi, les langues sont dépositaires des systèmes de valeurs, des croyances, bref, d’une vision du monde ou « Weltansicht », selon les mots de Humboldt (1838, cité dans Delbecque, 2006, p. 164), tels des prismes qui nous donnent accès à une réalité extralinguistique, et les peuples qui les parlent ont un droit inaliénable de les pratiquer.
2.1.2. Iwugraciasaya, miigwec
Un autre exemple qui en dit beaucoup sur les langues comme des reflets de la cosmovision et des rapports entre les individus d’un groupe humain provient du wichi, langue parlée dans la région du Gran Chaco en Argentine et en Bolivie. Lors de mes premières visites de la région du Chaco[1], dans le nord-est de l’Argentine, j’ai voulu apprendre les rudiments de la langue. Mon premier réflexe fut de demander comment exprimer les mots de politesse « bonjour », « merci, », etc. À ma grande surprise, le mot pour « merci » était un néologisme basé sur un emprunt de l’espagnol qui incorporait le mot « gracias » (merci,) à l’intérieur : iwugraciasaya. Selon la gap hypothesis, utilisée dans le domaine des langues en contact (Matras, 2009), dans toutes les langues, il existe un vocabulaire générique (parties du corps, termes de parenté, etc.) qui est rarement emprunté. Par conséquent, les termes qui ont tendance à être empruntés sont ceux dont les locuteurs ont besoin parce qu’ils ne sont pas disponibles dans le lexique de leur langue. En partant du principe qu’il n’y avait pas de mot équivalent à « merci » dans la langue wichi, j’ai tout d’abord consulté des locuteurs pour avoir leur opinion à ce sujet. J’ai aussi confirmé que même dans des ouvrages du 19e siècle (Pelleschi, 1897), on ne trouvait aucun mot ou expression correspondant à « merci » en wichi. Camilo Ballena, enseignant de langue wichi à El Sauzalito (communication personnelle), reconnaissait l’absence de ce mot dans le lexique traditionnel wichi et m’a d’abord expliqué que dans la culture wichi le partage est essentiel. Lorsqu’une famille allait à la chasse et ramenait beaucoup de viande, elle partageait avec les familles qui en avaient moins chassé. C’était l’ordre naturel des choses : celui qui en donnait le faisait parce qu’il en avait assez ou même trop et s’attendait à en recevoir des autres membres du clan lorsqu’il en aurait besoin. Ainsi, le besoin de remercier pour la nourriture donnée ou autres services offerts n’était pas ressenti, car c’est ce que l’on attendait des gens. Plus tard dans mon périple en territoire wichi, je me suis heurtée à des commentaires racistes envers eux, dont un qui a attiré mon attention. Des bénévoles qui offraient des vêtements et autres objets usagés à des familles wichi dans le besoin disaient que les Wichis étaient « ingrats » parce qu’ils remerciaient rarement les personnes qui offraient des dons…
Une situation semblable se produit en ojibwe et dans plusieurs langues autochtones, selon James Vukelich (Vukelich Kaagegaabaw, s.d.) :
Quelque chose de fascinant concernant le mot « miigwech » est qu’il est relativement nouveau […]. Quel genre de culture n’a pas de mot pour « merci »? En observant d’autres langues autochtones parlées non seulement ici mais partout dans le monde, j’ai remarqué que c’est quand même fréquent. Or, la plupart des peuples autochtones que j’ai rencontrés autour du globe sont clairement très reconnaissants. Ne devrait-ce déjà être imprégné dans la culture, dans la spiritualité, dans la vie de tous les jours? Mais il ne s’agit pas de donner quelque chose afin de recevoir quelque chose en échange, en fait, il s’agit de prendre soin des siens sans attendre un « merci » en retour car c’est ce que tout un chacun est censé faire[2].
L’explication de Vukelich rejoint celle des Wichi en Argentine. Comme l’expérience du territoire, l’expérience de la vie en société est teintée des valeurs profondes qui se cristallisent dans le lexique d’une langue et ces mots sont des fenêtres vers ces autres façons de concevoir le monde et les relations humaines. Nous reviendrons sur ce sujet à la section 3.
2.1.3. L’élaboration lexicale et grammaticale
D’une langue à l’autre, le lexique aura tendance à être plus élaboré selon l’importance donnée aux domaines auxquels il se rapporte (Delbecque, 2006). Par exemple, il est frappant de voir que chez les Wichi, il n’y a pas de mot générique pour « miel ». Lorsque vous demandez à quelqu’un comment dire ce mot, il rétorquera avec une autre question : quelle sorte de miel? Pour les ethnobotanistes, ce ne serait pas une surprise, mais pour une non-spécialiste comme moi, c’est toute une découverte et un apprentissage. Ainsi, pour pouvoir utiliser le mot « miel » en wichi, il faut non seulement savoir qui en est la productrice, mais aussi le type d’abeille ou de guêpe qui le produit. Voici quelques exemples que j’ai recueillis avec le nom en wichi et en espagnol pour lesquels, malheureusement, je ne peux pas fournir le nom scientifique[3] sauf pour l’« abeille étrangère » Apis mellifera :
naqwutaj[4] « miel d’abeille étrangère », naqwutajwu « abeille étrangère »
nuwalhek « miel d’abeille lachiguana », nuwalhekwu « abeille lachiguana »
pene « miel de guêpe yana », penewu « guêpe yana »
sihmat « miel de guêpe moro moro » sihmatwu « guêpe moro moro »
suphwetaj « miel de guêpe mestiza »; suphwetajwu « guêpe mestiza »
wuna « miel d’abeille bala »; wunawu « abeille bala ».
Le lecteur, la lectrice aura compris que le nom de l’abeille ou de la guêpe est construit en ajoutant le suffixe -wu au mot pour « miel ». Ce suffixe est généralement utilisé pour dériver des noms de métiers et se traduit par « celui qui fait quelque chose », l’agent. On le retrouve par exemple dans nisojwu « cordonnier » qui littéralement veut dire « fabricant de souliers », ou dans chinajwu « forgeron » (« celui qui fait du métal »). Il devient évident avec cet exemple également que la collecte de miel est une activité extrêmement importante chez les Wichi – elle l’est aussi pour les autres peuples de la région du Gran Chaco. D’ailleurs, cette région abrite une remarquable diversité d’abeilles et guêpes mellifères, dont la plupart n’ont pas de dard, qui s’élève à une vingtaine d’espèces (Arenas, 2012).
Si le lexique est souvent cité pour illustrer le degré de spécialisation d’une langue dans un domaine donné, il y a aussi des faits grammaticaux qui sont fortement influencés par la culture ambiante (Delbecque, 2006). À ce sujet, mentionnons que dans la culture innue, on accorde énormément d’importance aux rêves, car ils constituent en quelque sorte le pont entre le monde des esprits et la vie terrestre. C’est par les rêves que les personnes aînées comprenaient la chasse et que les shamans acquéraient leurs connaissances. Les rêves étaient aussi source de connaissance pour les plantes médicinales, bref ils étaient considérés comme une façon d’accéder aux savoirs (Fontaine, 2022). Comme Serge Bouchard (1977, cité dans Fontaine, 2022) l’explique : « Les vieux comprenaient la chasse par les rêves. Ils étaient tous comme ça. Dans les rêves ou dans la tente tremblante, le caribou parlait au chasseur. Il aidait le bon chasseur. » Ce n’est donc pas étonnant que les Innus aient développé un mode verbal spécifique pour parler de leurs rêves. Celui-ci est appelé par les linguistes le mode subjectif ou perceptif. Le mode subjectif, qui est présent dans tous les dialectes de l’innu, du naskapi et dans certains dialectes cris, est utilisé dans la description des rêves. Il se construit en ajoutant le suffixe -ua ou -aua selon les personnes et a la particularité d’être aussi marqué par le préfixe ka- en innu et iska- en cri. Voici un court exemple (Drapeau, 2014, p. 187) :
Aiamieutshuapit, nitaiamieutshuapinan paishkuash miam ne eshikapaut anutshish, ǹakapit anite ka-nitapinanashapanua [subjectif indirect passé] nana nikaui.
À l’église, notre église qui est exactement au même endroit que maintenant, au sous-sol, nous étions assises ma mère et moi.
extrait de Denise Jourdain, 1994, Uashat mak Mani-utenam
Comme on peut l’observer, le verbe en gras nitapinan « nous sommes assises » est au présent indicatif, le même verbe au subjectif indirect passé devient ka-nitapinan-shapan-ua. Le préfixe ka- et le suffixe -ua marquent le subjectif, et le suffixe -ashapan, le passé indirect. C’est intéressant d’observer la combinaison avec un suffixe d’un autre mode, l’indirect. Ce dernier était employé traditionnellement pour décrire les connaissances obtenues à distance par les shamans et toute information dont le locuteur ou le personnage principal d’un récit n’est pas témoin direct (Drapeau, 2014, p. 177). Ainsi, la langue innue présente deux modes différents pour parler des rêves et des communications avec les esprits. La traduction française, même avec une paraphrase, a beaucoup de difficulté à capter ces nuances.
3. Les langues comme porteuses de connaissances
Ainsi, chaque langue véhicule une quantité phénoménale d’informations, qu’il s’agisse de savoirs sur les pratiques culturelles, l’alimentation, l’environnement, la santé ou les modes de vie (Lambert-Bretière, 2018). Avoir accès à d’autres modes de vie élargit donc nos horizons et notre capacité à résoudre des problèmes. Au chapitre des pratiques culturelles, nos sociétés occidentales et industrielles pourraient-elles s’inspirer des expériences des autres sociétés et groupes humains? Un exemple que je trouve fascinant est le cas du kwoma. La langue kwoma, parlée par les Kwoma en Papouasie-Nouvelle-Guinée, est l’une des quelque quatre-vingt-dix langues faisant partie de la branche sepik-ramu des langues papoues (Simons et Fennig, 2017, cités dans Lambert-Bretière, 2018). Dans cette langue, les arguments du verbe (soit le « qui fait quoi ») ne sont pas marqués syntaxiquement de manière explicite (par exemple au moyen d’un pronom, un préfixe ou autre), mais ils peuvent être compris dans le contexte de l’énonciation. Il semblerait que cette caractéristique linguistique est le reflet d’une conception plus large de l’agentivité qui prend tout son sens dans le contexte d’une cour de justice traditionnelle. Lorsqu’une personne commet un geste illégal, voire criminel, la communauté entière se réunit pour en débattre et au lieu de juger l’individu, le jugement porte sur la communauté. L’idée sous-jacente étant que lorsqu’un individu commet un geste répréhensible pour le groupe, c’est le groupe qui est remis en question et non l’individu. Autrement dit, en quoi le groupe a-t-il failli pour qu’un individu soit porté à commettre ce geste? Pour cette raison, il est tout à fait compréhensible que l’agent (ou le sujet grammatical) ne soit pas si facilement identifiable dans un verbe (Lambert-Bretière, communication personnelle). Cette vision de la justice est diamétralement opposée aux valeurs qui sous-tendent le système de justice dans de nombreuses sociétés occidentales où l’individu est entièrement responsable de ses actes, et donc sera jugé et condamné en conséquence.
La même réflexion peut nous amener vers un autre domaine, celui de l’environnement et de sa protection. Klaus Toepfer, l’ancien directeur du PNUE (Programme des Nations Unies pour l'environnement) nous prévenait il y a déjà plus de dix ans :
Les peuples autochtones ont non seulement le droit de préserver leur mode de vie, mais ils détiennent des connaissances vitales sur les animaux et les plantes avec lesquels ils vivent. Les secrets de comment gérer les habitats et la terre de manière respectueuse et durable sont enchâssés dans leurs cultures et leurs coutumes[5].
ma traduction, cité dans Harrison, 2007
Ces connaissances sont aussi enchâssées dans leurs langues. C’est le cas du peuple Tofa en Sibérie qui possède un système de classification des rennes extrêmement complexe avec des noms spécifiques comme döngür « renne mâle domestiqué entre le deuxième et le troisième automne, dans sa première saison de rut; qui peut être castré ou non, mais s’il ne l’est pas ne sera pas autorisé à se reproduire » (Harrison, 2007, p. 29). Chez les Innus, on retrouve un lexique aussi développé en lien avec les animaux autochtones, comme le castor. Ainsi, le mot générique pour castor est amishku, mais si vous tapez « castor » dans le dictionnaire innu (https://dictionnaire.innu-aimun.ca), vous trouverez 193 entrées pour ce mot. Parmi ces entrées, on retrouve des noms comme auetiss « castor de moins d’un an », upuaiess « castor de deux ans », patamishku « castor de trois ans », nushemishkᵘ « castor femelle » (durant les années de reproduction), pitaumishkᵘ « kyste sur le flanc du castor ». On retrouve également des termes comme upatamishkumu « il (castor) a un jeune (entre deux et trois ans) avec lui », nishtushtueshuat « ils (castors) sont trois familles » (une par cabane). Ces mots renferment des informations très précises qui permettaient aux chasseurs et trappeurs non seulement de nourrir leurs familles adéquatement, mais aussi de préserver l’équilibre des écosystèmes. Comme le dit Harrison (2007), « si on a encore espoir de comprendre et de favoriser l’éco-diversité sur terre, nous devons valoriser des connaissances comme celles détenues par les éleveurs de rennes Tofa pendant qu’elles existent[6] ».
Mais une réflexion s’impose face à la valorisation des langues, leur préservation et leur documentation. Valoriser ces connaissances ne veut pas dire se les approprier. Valoriser veut dire respecter le droit des personnes pratiquant ces langues, de les préserver, si elles le désirent. C’est aussi donner du pouvoir aux détentrices et détenteurs de ces connaissances pour qu’ils puissent faire partie de la solution. Les spécialistes de ce monde – linguistes, anthropologues, sociologues, etc. – doivent être prudents face à leur rôle. Certes, il faut comprendre le savoir humain comme un projet commun auquel tous les humains ont contribué et contrecarrer l’idée selon laquelle ce savoir est produit seulement par les élites occidentales (Hinton, 2001, cité dans Hill, 2008, p. 121). Toutefois, gardons à l’esprit que les usagères et usagers de ces langues ne sont pas tenus d’adhérer à la logique du « bien commun » ou de la « propriété universelle ». C’est plutôt la logique de la propriété intellectuelle qui prévaut dans ce contexte et qui nous alerte face aux attitudes « extractivistes[7] » des chercheurs et chercheuses : « Le discours du contrôle local, le discours du vol, et le discours de la propriété intellectuelle contredisent tous le thème de la propriété universelle[8]. »
Face à la situation des langues en danger (UNESCO, Austin et Sallabank, 2011, Harrison, 2007, etc), il est primordial de repenser le rôle des linguistes dans la documentation des langues. J’aimerais rapporter ici la réflexion de Bernard Perley – directeur du Institute for Critical Indigenous Studies à la University of British Columbia – évoquant le danger de la documentation par les experts désireux de « sauver des langues » qui risquent de créer des « voix zombies », « des voix mort-vivantes désincarnées et techno-mécanisées[9] ». Cette métaphore nous rappelle que les enregistrements ou les dictionnaires et grammaires de la langue ne constituent pas la langue en soi, la langue existe dans la bouche de ses locuteurs et locutrices et constitue un canal et un catalyseur des relations sociales (Perley, 2013, p. 133).
Conclusion
Une langue est comme l’air qu’on respire, elle est présente dans toutes les sphères de notre vie, que ce soit en groupe ou en privé. Elle est l’expression d’un peuple qui partage non seulement un espace, mais aussi une expérience de vie. Elle est dépositaire de cette expérience et porte en elle les traces des us et coutumes des individus qui la pratiquent et la transmettent de génération en génération. Selon certains, elle est si omniprésente dans notre vie qu’elle imprègne notre esprit, notre pensée au point que nos fonctions cognitives en sont affectées. Pour la plupart, c’est lorsque l’on fait usage de notre langue que la pensée est complètement influencée par celle-ci. Mais sachant que nous faisons constamment usage de notre langue (souvent même dans nos rêves), il devient évident qu’elle ne peut qu’imprégner nos pensées.
Les langues autochtones analysées dans ce texte sont parlées par des nations ayant subi la colonisation et la dépossession territoriale. Des nations, des peuples qui ont gardé un lien privilégié avec le territoire et dont les langues sont des témoins directs de cette relation. Témoins directs aussi de leurs traditions, de leur compréhension du monde et des rapports sociaux, de leur façon de se nourrir, de guérir, bref, de vivre. En ce sens, elles portent en elles des systèmes de connaissances complexes et inestimables. Les protéger, c’est protéger la diversité, c’est aller vers l’autre pour l’accueillir dans sa différence et ses ressemblances. Les protéger, c’est aussi redonner la parole à ces peuples qui ont été privés de leurs langues.
Appendices
Notes
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[1]
La région du Chaco argentin fait partie d’une région plus vaste, le Gran Chaco. Cette région phytogéographique s’étend sur l’actuel territoire de l’Argentine, la Bolivie, le Brésil et le Paraguay.
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[2]
« Something fascinating about this word ‘miigwech’ is that it is a pretty new word in the language […]. What kind of culture does not have a word for thank you? As I begin looking for other indigenous languages spoken not just here, all over the world, this is rather common. Most indigenous people I’ve met all over the world are indeed very grateful people. It must already be embedded in the culture, in spirituality, in everyday life? This is something where you are not exchanging something in order to get something else, you are rather looking out for your relatives and you are not expecting ‘thank you’ in return because when you look at your teachings this is what you are supposed to do » [traduction libre].
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[3]
Le fait que les noms dits « scientifiques » sont en latin en dit long sur la primauté de l’Occident dans la science.
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[4]
L’orthographe utilisée ici est celle en cours dans les communautés wichis d’Argentine.
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[5]
Indigenous peoples not only have the right to preserve their way of life. But they also hold vital knowledge on the animals and plants with which they live. Enshrined in their cultures and customs are also secrets of how to manage habitats and the land in environmentally friendly, sustainable ways.
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[6]
If we hold any hope of understanding and fostering eco-diversity on earth, we must learn to value knowledge such as that possessed by Tofa reindeer herders while it still exists.
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[7]
Terme utilisé par ma collègue et amie Sukran Tipi en parlant des chercheurs et chercheuses qui s’approprient les connaissances des communautés et ne donnent rien en retour.
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[8]
The discourse of local control, the discourse of theft, and the discourse of intellectual property all contradict the theme of universal ownership.
-
[9]
Undead voices that are disembodied and techno-mechanized.
Bibliographie
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List of figures
Natakam- est une initiale complexe qui se traduit par « se diriger vers le rivage, ou la lisière d’un marécage »
-essetshi- est une variation phonologique d’une médiane de géographie et d’environnement (Drapeau, 2014, p. 463), -assetsh-, qui se traduit par « savane, tourbière, marécage »
-pitshi- est une finale de déplacement qui se traduit par « se déplacer à pied avec une tabagane » (Drapeau, 2014, p. 415).
Finalement, le suffixe -u est la marque de la 3e personne singulière.