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Recensions

Axel Honneth, La société du mépris. Vers une nouvelle théorie critique. Traduit par Olivier Voirol, Pierre Rusch et Alexandre Dupeyrix. Paris, Éditions La Découverte (coll. « Armillaire »), 2006, 349 p.[Record]

  • Yves Laberge

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  • Yves Laberge
    Université Laval, Québec

Relativement peu connu au Canada, le philosophe allemand Axel Honneth a succédé au professeur Jürgen Habermas à l’Institut de recherche sociale de l’Université Goethe à Francfort, c’est-à-dire la célèbre « École de Francfort » longtemps associée à Max Horkheimer, Theodor Adorno, Walter Benjamin, Herbert Marcuse, et plusieurs autres philosophes. Fidèle à cette continuité et à cet héritage intellectuel, les travaux du professeur Axel Honneth touchent la philosophie sociale, l’épistémologie « de la reconnaissance », la théorie critique d’hier et d’aujourd’hui, le capitalisme, l’étude des idéologies et la psychanalyse. Son livre La société du mépris a d’ailleurs été réédité en format de poche aux Éditions La Découverte ; mais nous axerons cette recension sur la première traduction en français de cette compilation d’articles, d’abord parue dans la collection « Armillaire ». Loin d’être une simple mise en contexte, la préface du traducteur Olivier Voirol situe cet ouvrage avec précision, en proposant plusieurs références et repères utiles (p. 9-34). Selon le professeur Voirol, Axel Honneth a fait siennes les idées fondatrices de la théorie critique, tout en se permettant de les questionner et parfois de les actualiser. Le préfacier écrit à propos de Honneth : « Son intérêt à revivifier cette tradition philosophique occupée à penser les conditions sociales de la réalisation de soi et ses revers “pathologiques” le conduit à une relecture originale de la Théorie critique de l’École de Francfort » (p. 26). Le terme de « pathologie » sera central dans cet ouvrage, comme l’explique Olivier Voirol en cernant le propre de l’apport philosophique d’Axel Honneth : « L’idée hégélienne d’un développement historique de la raison et de ses déformations “pathologiques” est à ses yeux au coeur de la Théorie critique, depuis le jeune Horkheimer jusqu’à Habermas » (p. 26). Au quatrième chapitre, Axel Honneth reformule sa définition des pathologies sociales, qui toucheraient d’abord l’individu : « Par pathologies sociales, j’entends des relations ou des évolutions sociales qui portent atteinte, pour nous tous, aux conditions de réalisation de soi » (p. 179). Cette dimension pathologique serait amenée par les dérives apparemment inévitables du système capitaliste et les logiques qui en découlent : « Pour les membres de l’École de Francfort, ce potentiel rationnel immanent au processus historique est déformé par le capitalisme, par les pratiques et les manières de penser qu’il impose » (p. 26). Pour Axel Honneth, il importe de bien délimiter le domaine d’investigation de ses recherches ; il fournit des correspondances et une distinction intéressantes sur les traditions intellectuelles et le contexte entourant les études philosophiques des dernières décennies : « […] les pays anglo-saxons se sont forgés depuis les débuts de l’utilitarisme une compréhension de la philosophie sociale très comparable à ce que l’on entend chez nous par “philosophie politique” : ce qui en constitue l’enjeu principal, ce sont les questions normatives qui se posent à chaque fois que la reproduction de la société civile est tributaire des interventions de l’État » (p. 40). Par la suite, Axel Honneth déplorera la perte d’autonomie de la philosophie sociale au détriment de la philosophie politique, pour ensuite préciser sa thèse : « […] l’objet de la philosophie sociale, sa propriété, est de définir et d’analyser les processus d’évolution de la société qui apparaissent comme des évolutions manquées ou des perturbations, c’est-à-dire comme des “pathologies du social” » (p. 40). Dans un chapitre dense qui est assez représentatif de toute son approche, Axel Honneth critique pour ensuite tenter de prolonger et d’actualiser la pensée d’Habermas à propos des critères moraux pouvant être invoqués pour décrire la société capitaliste (p. 203). Autrement dit, comment le sentiment d’injustice sociale peut-il …