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Recensions

Bernard Bourgeois, L’idéalisme allemand. Paris, Librairie Philosophique J. Vrin (coll. « Histoire de la philosophie »), 2000, 322 p.[Record]

  • Danic Parenteau

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  • Danic Parenteau
    Université de Paris I (Panthéon-Sorbonne)

Dans l’histoire de la philosophie, peu de mouvements de pensées sont comparables à celui qui déterminera la destinée de la jeune philosophie allemande, celui de l’idéalisme allemand. Ce mouvement a donné naissance à des pensées qui prétendent être non pas de simples philosophies, mais bien de véritables « systèmes » philosophiques, lesquels seraient parvenus à s’élever par delà l’ensemble de l’histoire de la philosophie, soit en tant que point de départ révolutionnaire pour une nouvelle philosophie (Kant et Fichte), soit à l’opposé, en tant qu’aboutissement dernier de cette histoire (Schelling et Hegel). La première partie de cet ouvrage consiste principalement en des analyses qui mettent en opposition le moment initial de ce mouvement de pensée, Kant, avec son moment terminal, Hegel. Parmi ces analyses, le chapitre IV, « Art de la nature et ruse de la raison », est celui qui permet d’apprécier le plus clairement toute l’ampleur de cette opposition. Bourgeois s’interroge à savoir si le thème de « l’Art de la nature » chez Kant recouvre, pour l’essentiel, celui de la « ruse de la raison » chez Hegel « de telle sorte que l’on puisse parler déjà, chez Kant, d’une ruse de la raison » (p. 62). Cette analyse permet avant tout de mettre en perspective la place qui revient à l’histoire au sein de ces deux pensées. Mais surtout, elle permet de mettre en lumière le thème principal qui est au fondement même de la divergence la plus importante au sein de l’idéalisme allemand, celui de la raison. La raison étant saisie par Kant comme un idéal ayant son siège au-delà du sol que constitue l’histoire, il serait donc vain de chercher au sein de l’histoire une loi (une ruse) qui soit déterminante pour l’agir de l’homme. L’agir humain étant un libre agir, il ne saurait être déterminé par une loi, par la raison. Au contraire, chez Hegel, qui affirme que la raison est à trouver dans la réalité elle-même (on pense au leitmotiv hégélien : « Ce qui est rationnel est effectif, et ce qui est effectif est rationnel »), l’histoire est donc déterminée par une « force », celle de la raison agissante. Il serait donc faux de tenir pour opposés le libre agir de l’homme et la raison agissante : le libre agir de l’homme ne peut en effet rien contre cette force absolue, puisqu’en vérité, il n’est lui-même que la manifestation de celle-ci. La liberté n’est pas étrangère aux lois de la raison, car elle est elle-même la manifestation de la raison. L’histoire n’est que la série d’actes humains, lesquels sont déterminés par cette fameuse ruse de la raison. C’est pourquoi Hegel peut parler de l’action individuelle des héros, ces grands hommes de l’histoire, comme sans quoi rien de ce qui est grand n’aurait pu être réalisé. La raison ne se réalise que par et au moyen de ces actions individuelles : « Les actions des individus ne sont pas absolument extérieures — comme de simples moyens — à la raison universelle, puisqu’elles sont l’extériorisation, la manifestation, le phénomène de celle-ci qui, en tant que leur essence, n’existe, n’est réelle, que par et dans elles » (p. 71). Ainsi, cette question de la reconnaissance d’une force agissante au sein de l’histoire permet de bien apprécier le statut de la raison au sein des pensées de Kant et de Hegel : l’une est raison régulatrice, l’autre raison constitutive. Dans la seconde partie de l’ouvrage, l’auteur cherche à exposer dans l’unité ou la continuité le développement de l’idéalisme allemand. Aussi, les pensées de Fichte et de Schelling, en tant qu’elles sont à mi-parcours entre …