Abstracts
Résumé
Cet article s’interroge sur l’écart entre, d’une part, l’inacceptabilité politique et la grande difficulté subjective de consentir à des réductions pourtant légères de la consommation pour des raisons écologiques et, d’autre part, la façon dont au contraire certaines personnes peuvent mettre en oeuvre des modes de vie alternatifs qui correspondent à des renoncements bien plus drastiques, sans pour autant les vivre comme des restrictions mais plutôt comme des choix au potentiel libérateur leur permettant de vivre plus pleinement. Il s’appuie sur l’étude de rencontres avec des personnes tentant de mettre en pratique des valeurs d’écologie et de décroissance par leurs pratiques agricoles professionnelles ou vivrières effectuées au cours d’un travail de terrain ethnographique mené dans le Sud des Alpes françaises lors d’une vingtaine de séjours d’une à deux semaines. En plus de développer les modalités régissant ces modes de vie et de poser la question de l’évaluation de leur impact socio-écologique sur une échelle plus large, il s’agit de mettre en évidence la façon dont une écologie ancrée dans les pratiques de subsistance et reposant sur une recomposition complète des relations au salariat, au travail, à la consommation et à l’État s’oppose à une approche institutionnelle du rationnement nécessaire sur fond de catastrophe qui vise à imposer des restrictions sans modifier les structures fondamentales de la société. Il s’agira alors d’interroger l’approche moralisatrice qui impose restriction et sobriété, telle qu’elle apparaît dans le paradoxe d’une société de consommation pléthorique en régime d’austérité permanent, en l’opposant à la possibilité d’une abondance subjective dans la simplicité.
Mots-clés :
- Sobriété,
- néopaysans,
- modes de vie alternatifs,
- subsistance,
- décroissance
Abstract
This article looks at the contrast between the political unacceptability and great subjective difficulty of agreeing to even slight reductions in consumption for ecological reasons and the way in which, on the contrary, some populations can implement alternative lifestyle choices that correspond to much more drastic renunciations, without experiencing them as restrictions but as potentially liberating lifestyle choices that enable them to live more fully. It is based on a study of rural alternatives and neo-peasants encountered during ethnographic fieldwork carried out in the Southern French Alps during twenty or so one- to two-week stays at workplaces or food production sites. As well as developing the ways in which these lifestyles are lived and raising the question of assessing their socio-ecological footprint on a wider scale, the aim is to highlight the way in which an ecology rooted in subsistence practices and based on a complete recomposition of relations to wage-earning, work, consumption and the State contrasts with an institutional approach to the rationing necessary against a backdrop of disaster, which aims to impose restrictions without changing the fundamental structures of society. This will involve questioning the moralising approach of restriction and imposed sobriety as it appears in the paradox of a plethoric consumer society in a permanent state of austerity opposed to the possibility of subjective abundance in simplicity.
Keywords:
- Sobriety,
- neo-peasants,
- alternative lifestyles,
- subsistence,
- degrowth
Appendices
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