Abstracts
Résumé
Pendant les deux dernières décennies du XIXe siècle, le problème du vagabondage devint à ce point crucial que certains le considéraient comme une menace pour l'ordre social existant. Le clochard était perçu comme possédant tous les vices — paresse, intempérance et instabilité — éminemment nuisibles au bon fonctionnement d'une société établie. On s'empressa donc, et ce, dans la plupart des villes nord-américaines où le problème sévissait, de trouver des moyens de diminuer le vagabondage à défaut de pouvoir l'enrayer totalement. L'auteur se penche ici sur les moyens qui ont été utilisés à Toronto pendant les années 1880 et 1890.
C'est surtout l'Associated Charities of Toronto, un organisme fondé en 1880, qui se préoccupa de trouver une solution au problème du vagabondage dans la ville. Elle tenta d'abord de fournir du travail aux clochards en ouvrant une carrière et une cour à bois mais ces deux initiatives n'apportèrent pas les succès escomptés. Elle s'appliqua ensuite à faire pression auprès des institutions qui s'occupaient des clochards pour qu'elles imposent une certaine somme de travail à quiconque demandait soupe et asile en guise de compensation pour les services rendus. L'association obtint finalement gain de cause et le système qu'elle préconisait fut mis en vigueur en 1889.
Certes, l'application du principe du "labour test" a apporté quelques résultats tangibles à l'époque; cependant, l'événement tire toute son importance du fait qu'il témoigne du climat d'une époque où des gens qui se disaient philanthropes se sont révélés comme étant surtout préoccupés de maintenir tant l'ordre social qu'ils avaient instauré que l'éthique du travail sur lequel ils l'avaient établi. Dans cette perspective, une réalité aussi pénible que celle du chômage et de la population vagabonde qu'il engendre tend à disparaître bien vite derrière l'image d'un clochard paresseux et instable qui ne peut être qu'indigent et sans travail.