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ChroniquesNumérique en éducation

Mythes écologiques du numérique[Record]

  • Ambroise Baillifard,
  • Olivier Ertz,
  • Stéphane Lecorney and
  • Corinna Martarelli

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  • Ambroise Baillifard
    UniDistance (Suisse)

  • Olivier Ertz
    Haute école d’ingénierie et de gestion du Canton de Vaud (Suisse)

  • Stéphane Lecorney
    Haute école d’ingénierie et de gestion du Canton de Vaud (Suisse)

  • Corinna Martarelli
    UniDistance (Suisse)

Numérique et écologie : cette chronique aborde deux phénomènes qui ne concernent pas de la même façon le monde éducatif. Pour l’enseignant, le numérique représente une collection de moyens pédagogiques, alors que l’écologie est un zeitgeist culturel dans lequel chaque citoyen baigne bon gré mal gré. Commençons par le numérique. Les outils numériques sont promus comme incontournables pour enseigner plus efficacement : pour communiquer (à distance), présenter des savoirs, collaborer sur des documents, stocker de l’information (notamment vidéo), etc. Ce n’est pas étonnant que les discours prônant l’utilisation du numérique en éducation fassent florès. Le bât blesse quand on espère que la transition numérique soit bénéfique pour l’environnement. Cette attente historiquement fausse, conceptuellement absurde et idéologiquement chargée a engendré de fausses croyances (Pitron, 2018). C’est que la rencontre entre des attentes élevées et une certaine naïveté épistémologique s’avère fertile à l’émergence de mythes (Sander et al., 2018). Cette chronique examine les prétendues vertus écologiques : D’autres mythes moins liés au numérique (mais contestables par des faits similaires) ne sont pas abordés. Quand Apple prétend n’utiliser que des énergies renouvelables dans ses locaux, est-ce bénéfique pour mère nature ? Pas vraiment. L’électricité « propre » remplaçant des énergies fossiles sales est une chimère. Tout d’abord, les données historiques montrent que l’essentiel de l’électricité mondiale provient encore et toujours d’énergies fossiles à plus de 60 % (Wiatros-Motyka et al., 2023, p.59). Comme le réseau a besoin d’électricité pilotable pour absorber l’intermittence de l’électricité dite « propre », il n’est pas étonnant que la consommation de charbon ait (encore) battu un record en 2023 (AIE, 2023). En outre, ni les panneaux photovoltaïques ni les éoliennes ne sont « neutres » en matière de conséquences écologiques, parce qu’ils nécessitent des quantités astronomiques de ressources pour être fabriqués et fonctionner (Pitron, 2018 ; Systext, 2021). Par exemple : 90 % des panneaux solaires sont fabriqués en Chine où l’électricité reste très carbonée. Première piste pour le milieu éducatif : éviter de communiquer sur son mix énergétique. Microsoft mettait de l’avant les meilleures capacités de gestion d’énergie de Windows 7. Utiliser Windows 7 permettait donc d’économiser de l’énergie ? Pas du tout ! Microsoft ne mentionnait pas que Windows 7 nécessitait un PC surperformant pour l’essentiel des tâches bureautiques, entrainant une hausse de la consommation d’énergie (Lohier, 2010). Cet exemple illustre l’effet rebond (ou paradoxe de Jevons) : les bénéfices d’un gain d’efficacité sont neutralisés par un déplacement ou une augmentation de la consommation (Santarius et al., 2023). Le hic, c’est que l’effet rebond annule presque systématiquement les gains écologiques escomptés d’une technologie « verte ». Le streaming serait moins polluant que les DVD (64g de CO2/heure contre 222g), si, au passage, l’humanité n’avait pas explosé sa consommation (de streaming) au point de tripler les conséquences carbone totales du visionnage vidéo (ADEME, 2022). De même, les améliorations de l’efficacité du haut débit ont entraîné une augmentation massive de la consommation de données, causée par les forfaits illimités désormais accessibles. Deuxième piste pour le milieu éducatif : ne pas associer de nouveaux usages (visioconférence, LLMs...) à l’écologie. Certaines entreprises du numérique formulent comme objectif de « fabriquer tous [leurs] produits à partir de matériaux 100 % recyclés ou renouvelables » (Apple, 2024). En 2024, la production d’appareils numériques repose-t-elle sur une économie circulaire (ressources renouvelables et recyclage) ? Absolument pas ! Extraction-fabrication-utilisation-création de déchets, voici l’économie linéaire (Collard, 2020) de laquelle l’industrie du numérique aura énormément de peine à sortir (Stephant, 2023). Le défi se manifeste clairement dans la question du recyclage : la quantité de déchets électroniques augmente (+20 % en 5 ans) plus rapidement que …

Appendices