Abstracts
Résumé
L’écriture du Chevalier aux deux épées (ca. 1240), roman anonyme conservé dans un manuscrit unique, relève à la fois du pastiche de genre et du pastiche de style à partir du modèle romanesque en vers instauré par Chrétien de Troyes. Les emprunts lexicaux et onomastiques témoignent tout d’abord de ce travail d’imitation qui reprend des traits récurrents du modèle pour mieux les détourner ou les gaber par amplification ou inversion. Situé dans le manuscrit BnF fr. 12603 avant Le chevalier au Lion , Le chevalier aux deux épées réécrit également deux grandes scènes de genre propres à ce roman : la joie de Calogrenant et la scène de lecture dans le verger de Pesme Aventure . Mais ici encore le pastiche est à l’oeuvre et transforme la réception et le sens initiaux de ces épisodes. Malgré l’intention affichée de renouer avec la tradition générique et formelle des romans en vers, le texte subit aussi l’influence des cycles et romans en prose dans le traitement des personnages, des motifs et de la narration. L’épisode crucial de l’épée qui saigne et de la révélation du nom du héros repose sur une réécriture globalisante de multiples traits figuratifs hérités à la fois du Conte du graal et des grands cycles du Graal. Ancré dans une double tradition qu’il se plaît parfois à malmener ou à amplifier, Le chevalier aux deux épées témoigne de la réception et de l’assimilation d’une masse romanesque considérable qu’il s’attache à renouveler autant qu’à perpétuer.
Abstract
The writing of the Chevalier aux deux épées (ca. 1240), a medieval romance preserved in a single manuscript, is inspired by the pastiche of genre and style based on the model of narrative literature set in verse by Chrétien de Troyes. Evident in this work are the lexical and onomastic borrowings that highlight and enhance the recurring features of the model through amplification and inversion. In the BnF fr. 12603 manuscript that precedes Le chevalier au lion (The Knight with the Lion), Le chevalier aux deux épées (The Knight of the Two Swords) also rewrites two major scenes of the romance : Calogrenant’s “joie,” and the reading scene in the orchard from Pesme Aventure. But here again pastiche is at play, transforming the initial reception and experience of these episodes. While renewal of the formal verse tradition and genre is clearly intended, the text succumbs to the influence of prose cycles and romances in its treatment of characters, motifs, and narration. The crucial episode of the bleeding lance and the revelation of the hero’s name entails a global rewriting of the many figurative traits passed down from the Story of the Grail and the great Grail Cycles. Rooted in a dual tradition that is often content to dissemble or embellish, Le chevalier aux deux épées has manifestly received and assimilated a massive corps of romance that it strives to renew and perpetuate.