Abstracts
Résumé
L’enseignement de la poésie doit-il s’orienter vers la perception de la « réussite » singulière, celle de la spécificité des textes et de leurs procédés propres ? Doit-il se fonder sur l’admiration et l’approbation ? Ou, au contraire, ne peut-il pas passer par la perception des conditions externes d’existence d’un langage qui procède par manipulation des possibles, s’y prêtant lui-même, à l’occasion ? Le présent article essaie de montrer la pertinence de la dernière option, en étudiant La guerre au Luxembourg (1916) de Blaise Cendrars, long poème narratif qui se démarque des discours sur la guerre de 1914, en les déplaçant, en transformant les regards sur l’événement. Les paroles des enfants se mêlent avec celles d’anonymes (combattants ou gens de l’arrière) et s’y fondent, rendant incertaine l’interprétation. On verra, par ailleurs, que les formes les plus répandues alors de la littérature sur la guerre s’y mirent, inversées. Un exemple d’utilisation immédiate et tronquée de ce poème dans un livre à la gloire des combattants donne toute la mesure de l’ironie latente du poème. Enfin, de ces « manipulations », que le texte opère et subit, peut se déduire une lecture poétique qui « peut être comprise non en soi, comme une essence, mais comme un moment de mise à l’épreuve du degré de vérité ou de validité des discours disponibles, comme une manière de contourner un objet de parole, de signaler le poids des conventions […] et que sa valeur tient en effet aussi à la circonstance ».
Abstract
Should the teaching of poetry be oriented towards the “successful” perception of the specificity of the text’s own practices. Should it be founded on admiration and approval? Or, on the contrary, could the teaching of a poem instead be based on a perception of language’s external conditions advancing by the manipulation of possibilities and lending itself on occasion to those possibilities? This article tries to show the pertinence of the second option through a study of Blaise Cendrars’ La guerre au Luxembourg (1916). By the displacement of common terms, this long narrative poem distances itself from the discourse surrounding the war of 1914 and thus transforms how the event is seen. Children’s words mix with those of anonymous voices (combatants, people behind the lines) and fuse, rendering interpretation uncertain. In addition, the reader sees the most clichéd forms of the period’s war literature presented, but from a reversed angle. An example of the poem’s immediate use in a truncated form is its presence in a book dedicated to the glory of the combatants that shows all the value of its latent irony. Finally, from the “manipulations” that the text carries out and has suffered is inferred a poetic reading that “can be understood not in itself as an essence, but as a probationary moment for the available ways of speaking, for their degree of truth or validity, as a manner to by-pass a speech object, to signal the weight of convention […], and that its value is due in effect also to its situation.”