Abstracts
Résumé
Les auteures s’intéressent aux juridictions traditionnelles gacaca telles que réformées par le législateur rwandais afin de pouvoir être saisies de poursuites criminelles liées au génocide. Elles examinent les raisons qui ont amené les autorités gouvernementales à parier sur ce mode coutumier de justice dans une optique de réconciliation nationale et à réinvestir ce type de justice de proximité. Elles analysent ensuite les altérations profondes apportées au fonctionnement originel de ces instances qui empruntent tout à la fois à la palabre africaine et au droit pénal de facture occidentale et elles se demandent si les gacaca dans leur « version génocidaire » peuvent encore réaliser les finalités traditionnelles de cette justice participative et restaurative lorsque la tradition et la culture ont été à ce point réinventées.
Enfin, les auteures réfléchissent aux difficultés multiples que pose le génocide, d’être un crime que l’on ne peut punir, ni pardonner, encore moins réparer, et qui sidère tout système de justice. Tout en identifiant quelques éléments positifs de cette justice de proximité fort imparfaite et en grande partie inadaptée pour juger du génocide, à leur avis, il reste encore difficile d’incarner et de traduire dans un système de justice, fut-il traditionnel ou moderne, une volonté de mettre fin à l’impunité et d’assurer une finalité de prévention générale. En guise de conclusion, les auteures suggèrent que les juridictions gacaca qui empruntent à la culture de la société rwandaise doivent, en tout état de cause, garantir la liberté de parole, la franchise et l’expression d’une vérité commune sur ce génocide pour que criminels et victimes rescapées puissent réapprendre à vivre ensemble.
Abstract
The authors look at the traditional gacaca jurisdictions that have been reformed by the legislator of Rwanda to make them suitable for criminal pursuits relating to genocide. They examine the reasons that decided the governmental authorities to rely on this mode of customary justice for promoting national reconciliation and to invest in this proximity justice system. Also, they evaluate the substantial alterations made to these judicial institutions, borrowing their original operation from both the African palaver and western criminal law, to judge genocide and they wonder if gacaca jurisdictions, in their “new genocidal version”, still can achieve the traditional goals of participative and restorative justice when tradition and culture have so overwhelmingly been transformed.
At last, the authors reflect on the difficulties posed by genocide, a crime that cannot be punished nor pardoned, even less redressed, a crime that staggers any justice system. Although identifying some positive aspects of this quite imperfect and largely maladjusted proximity justice system, in their opinion, still, it remains difficult to translate and embody in a justice system, either traditional or modern, the will to put an end to impunity and fulfill general deterrence. In conclusion, the authors suggest that the gacaca jurisdictions embedded in the Rwanda culture, must, in any event, warrant free speech, openness and the reaching of a common truth on genocide, to allow both criminals and surviving victims to learn again the way to live together.
Appendices
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