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Chronique bibliographique

Valentin Jeutner, The Reasonable Person. A Legal Biography, Cambridge, Cambridge University Press, 2024, 216 p., ISBN : 9781009445627

  • William Guay

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  • William Guay
    Université de Sherbrooke

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Depuis des lustres, les intellectuels du droit essaient tant bien que mal de démystifier la « raisonnabilité » qui anime la personne raisonnable. Aidés de leurs collègues philosophes, sociologues et économistes, les juristes garnissent leurs bibliothèques de théories soigneusement ficelées destinées à en comprendre le sens. Or, et c’est le filon que creuse Valentin Jeutner dans son ouvrage, cette ferveur universitaire pour le raisonnable et sa conceptualisation tait trop souvent l’humanité de ce standard, heuristique qui, pourtant, explique en bonne partie le succès connu par la personne raisonnable. En effet, une norme qui fait de l’homme son étalon de mesure est intuitive et facilement comprise de tous. Pour l’auteur, la norme de la personne raisonnable demande tout simplement à son destinataire de considérer la perspective de l’autre, de se mettre à sa place et d’être empathique à son égard. Les citoyens et, jusqu’à un certain point, les praticiens du droit n’auraient donc qu’une chose à savoir sur la personne raisonnable : « whoever it is, wherever it lives, whatever it looks like, the reasonable person figure is not you » (p. 2). Cette thèse un peu simpliste – qui sera nuancée au fil de la lecture – a certainement de quoi surprendre. Bien sûr, l’auteur n’entend pas décourager des universitaires qui, par exemple, chercheraient à savoir si les juges associent davantage la norme de la personne raisonnable à la phrónēsis aristotélicienne ou à l’efficacité de l’analyse économique du droit. Cela dit, pour lui, le génie de la personne raisonnable ne réside pas dans ses arrière-plans philosophico-théoriques qui, avouons-le, sont généralement méconnus des profanes autant que des initiés. L’auteur, plutôt que de disserter à grands coups de notions théoriques, prend donc au sérieux l’humanité du concept et s’aventure dans une voie méthodologique aussi originale qu’inusitée : il décide de se faire le biographe de la personne raisonnable. Il jalonne les six chapitres qui forment sa biographie d’histoires, d’anecdotes et de poèmes, sans doute pour personnifier et humaniser autant que possible cette norme juridique. Voilà quelque chose qu’on ne voit pas souvent mais qui, en l’espèce, est aussi agréable qu’à propos. Au premier chapitre, Jeutner raconte la naissance de la personne raisonnable. Les premiers battements de coeur de celle-ci retentirent dès l’Antiquité. On apprend que, en Égypte, les vizirs chargés de l’administration de la justice récoltent de leurs mythes une norme de la « personne silencieuse » (the silent person, geru maa), soit une personne qui a le contrôle d’elle, qui se conduit responsablement (p. 16) et conformément à ce qui est important pour la société (p. 18). Le récit fait par la suite une escale en Grèce, laquelle connaît grâce à Hérodote la « personne sincère et sérieuse » (earnest person, ho spoudaios), une norme de sagesse morale inspirée par les conseils diligents de la reine d’Halicarnasse, Artémise, qu’Aristote mobilise notamment pour discréditer une conception subjective de la vertu (p. 24-25). Jeutner conclut son voyage antique à Rome, endroit où l’on élabore un concept juridique aujourd’hui bien connu : l’aristocratique « père de famille » (father of the family, paterfamilias) (p. 26). Ingénieuses, ces normes qui commencent à poindre par-ci par-là consignent l’humanité de l’homme dans une formule aussi courte que parlante, un tour de force digne des plus grands poètes. Elles ouvriront la voie à l’avènement de la personne raisonnable plusieurs siècles plus tard. De fait, le bond entre les deux premiers chapitres est considérable. À vrai dire, c’est un plongeon au milieu du xixe siècle, le 21 février 1855. À cette date, le mercure près de Birmingham chute à un point tel …

Appendices