Abstracts
Résumé
Sur la toile de fond qui est celle du rapport entre le droit et les sciences sociales, l’article qui suit énonce trois propositions épistémologiques susceptibles d’ouvrir de nouveaux horizons pour la recherche empirique en droit : décentrer le sujet ; interviewer le système à l’aide d’entretiens qualitatifs tournés vers l’observation de la communication ; et « désubstantialiser » les catégories juridiques. Ces propositions épistémologiques sont décrites comme des conditions nécessaires à la possibilité d’un regard externe sur le droit. Elles sont, par ailleurs, considérées comme favorables au développement de la recherche multidisciplinaire en droit puisque, sous certaines conditions, autant le droit que les sciences sociales peuvent bénéficier de ces trois stratégies. Les sciences sociales doivent « prendre le droit au sérieux », les recherches sur le droit devant être réalisées « avec le droit ». De son côté, le droit peut améliorer ses observations et ses modèles normatifs internes en intégrant davantage, dans ses prémisses décisionnelles, les connaissances produites par les sciences sociales.
L’auteure soulève dans son texte l’hypothèse que cette intégration — une réalité déjà bien réelle sur le terrain judiciaire, mais encore peu problématisée — tendra à se développer de plus en plus dans le monde juridique à venir. Les enjeux de société contemporains (droits religieux, droits des minorités, droits des femmes, droits des peuples autochtones, droit au suicide assisté, droit au mariage entre couples de même sexe, droits de reproduction, droits des sans-papiers, etc.) sont de plus en plus régulés par des figures juridiques caractérisées par leur texture normative ouverte (valeurs fondamentales, droits de la personne, etc.) et les sciences sociales seront davantage envisagées comme des ressources cognitives importantes de détermination et de spécification juridique, essentielles donc pour ceux qui pensent et disent le droit. En effet, puisque ces enjeux exigent des acteurs judiciaires de la créativité, de l’imagination juridique et de l’ouverture cognitive et normative à l’égard des différentes possibilités de régulation, devant la conception des différents « possibles », les sciences sociales seront, dans ce contexte, des éléments importants de « détermination » des possibles encore non actualisés.
Abstract
In this article, we argue that when interaction between law and social sciences is viewed as a backdrop, three epistemological propositions stand out as opening new horizons for empirical research in law, namely : “decentering the subject”, ‘’interviewing’’ systems by means of qualitative interviews oriented toward the observation of communication, and the “desubstantialization of legal categories’’. These epistemological premises are described as the requisite conditions for grounding an external perspective on the law. They are also considered to be favourable for the development of multi-disciplinary research in law as both law and social sciences can (under certain conditions) benefit from these three analytical strategies. Social sciences must ‘’take the law seriously’’, research in law having to be carried out ‘’with the law’’. As for law, it may improve its observations and internal normative models by more fully integrating the knowledge generated by social sciences into its decisional premises. The author advances the hypothesis that this integration — already a reality on the judicial arena, yet still lightly problematized — will tend to continuously evolve ever more in the legal universe yet to come. Contemporary social issues (religious rights, minority rights, women’s rights, native peoples’ rights, the right to assisted suicide, same-sex marriage rights, reproductive rights, the rights of undocumented persons, etc.) are increasingly regulated by legal figures characterized by their ‘’open normative composition’’ (fundamental values, human rights, etc.). Social sciences will increasingly tend to be seen as valuable cognitive resources for determining and specifying legality, thereby essential for those who conceive and shape the law. Indeed, since these issues demand creativity, juristic imagination and cognitive and normative openness from juridical actors when confronted with varying regulatory options, social sciences will in this context provide vital elements for determining potential, yet still not actualized, possibilities within this context.