Avec Pourquoi le Québec n’est pas encore libre, le politologue et essayiste Denis Monière signe un court essai dans lequel il survole la trajectoire historique et politique du Québec depuis la Conquête jusqu’à aujourd’hui dans une perspective résolument indépendantiste. Désireux d’éclairer « les facteurs structurels qui expliquent l’incapacité du peuple québécois à exister par lui-même et à s’émanciper de la tutelle de l’État canadien », l’auteur se propose ainsi de mieux comprendre ce qui tient d’une « anomalie » historique, qui est le fait que le peuple québécois ne soit pas encore libre. Or, au regard de son parcours, tout aurait pourtant dû l’y conduire. Mais les mécanismes d’assujettissement politique déployés par le pouvoir britannique et par son successeur par la suite, soit l’État canadien, sont puissants, si bien que le Québec présente un cas exemplaire « d’accoutumance à la subordination politique » (p. 13). L’essai s’organise en cinq chapitres qui poursuivent deux visées distinctes. Dans la première partie, constituée des quatre premiers chapitres, celui qui fut professeur à l’Université de Montréal jusqu’en 2012 examine l’histoire politique du Québec en montrant combien l’indépendance apparaît, dès la Conquête, d’une évidente nécessité historique. L’auteur s’intéresse ainsi à la fois aux raisons internes pouvant expliquer l’état de soumission politique dans lequel se trouve le peuple québécois, soient celles qui trouvent leurs sources dans certains facteurs culturels, et aux raisons externes ou structurelles qui se manifestent à travers le rapport de sujétion politique dans lequel celui-ci est maintenu par l’État canadien. On passe alors en revue certains grands événements historiques marquants tels que la Rébellion des Patriotes, l’Acte d’Union qui s’ensuit, en passant par la Confédération et la Révolution tranquille. L’essai met également de l’avant certaines figures intellectuelles ayant influencé la manière dont les Canadiens, qui se sont faits Québécois ensuite, ont pu se concevoir collectivement comme peuple à travers leur histoire, en évoquant les pensées de Louis-Joseph Papineau, de Robert Nelson, de Lionel Groulx ou d’André Laurendeau par exemple. Pour celui qui a toujours fait de l’éducation politique l’un des principaux champs de son engagement politique, persuadé que c’est en grande partie en raison de l’ignorance de la condition dans laquelle ils se trouvent que les Québécois se sont jusqu’ici refusés à faire sécession du Canada, ce survol historique s’avère particulièrement bien mené et efficace. Un lecteur désireux de s’initier à la question nationale québécoise, de même qu’à l’idée indépendantiste, trouvera ici une très bonne synthèse historique. Le dernier chapitre de Pourquoi le Québec n’est pas encore libre offre ensuite une critique impitoyable de l’approche dominante « souverainiste ». Celui qui porta à plusieurs reprises les couleurs de différentes formations politiques indépendantistes, tant à Québec qu’à Ottawa, et qui fut président de la Ligue d’action nationale (2005 à 2019) y va d’une attaque en règle contre la stratégie du « bon gouvernement » mise de l’avant par le Parti québécois depuis sa fondation, approche encore dominante sous la gouverne actuelle de Paul St-Pierre-Plamondon. L’idée selon laquelle il importe d’abord de convaincre les Québécois que le PQ est une formation politique sérieuse et capable de bien gérer la province de Québec avant de les amener à s’engager sur le chemin de la souveraineté s’est avérée dans les faits fatale pour le projet indépendantiste. Cette stratégie a certes permis d’ouvrir les portes du pouvoir à cette formation, et ce, dès 1976, soit seulement huit ans après sa fondation. Ainsi au gouvernement, les souverainistes ont-ils pu faire adopter certains « projets de loi structurants, comme la Charte de la langue française, le financement démocratique des partis, la loi sur le zonage …
Denis Monière, Pourquoi le Québec n’est pas encore libre. Une brève histoire du mouvement indépendantiste, Montréal, VLB Éditeur, 2021, 162 p.[Record]
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Danic Parenteau
Professeur agrégé, Collège militaire royal de Saint-Jean