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Hors-dossierDébat

Périodisation surprenante et cadre conceptuel nébuleux[Record]

  • Henri Goulet

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  • Henri Goulet
    Historien

Les 9 titres de la collection « brève histoire » des Éditions du Boréal publiés depuis 1990 nous ont habitués à une synthèse historique axée sur les principaux évènements et acteurs marquant les thèmes abordés (économie, Église catholique, femmes, institutrices, régime seigneurial, etc.). Ici, dans cette dernière livraison portant sur la Révolution tranquille, l’approche privilégiée est passablement différente. En effet, les deux auteurs précisent dès le départ (p. 15) qu’il s’agit bien d’une synthèse, mais également d’un essai sur cette période majeure en histoire du Québec. En ce qui a trait à la synthèse, l’ouvrage est riche et aborde une foule d’évènements qui, quoique pour la plupart déjà bien connus, prennent ici une nouvelle dimension dans la façon de les situer dans la trame historique. Pour cette seule raison, cette synthèse mérite de faire partie des textes importants disponibles sur la Révolution tranquille. Cela étant dit, c’est la partie « essai » qui rend la lecture de cet ouvrage passablement difficile. Tout au long des cinq chapitres, mais surtout dans l’introduction et l’épilogue, les auteurs tiennent mordicus à insérer leur analyse historique dans un cadre conceptuel pas facile à digérer. Ainsi, il faut s’habituer à jongler avec des concepts comme les « élites définitrices », « la société démocratique consociationnelle », le « vivre-ensemble » de la société québécoise qui se déclinerait, dit-on, en trois dimensions : le « vouloir-vivre-ensemble », le « devoir-vivre collectif » et le « comment-vivre-ensemble ». Pour chacune des trois périodes retenues (1959-1971 ; 1967-1975 ; 1974-1983), les auteurs reviennent avec insistance sur ce cadre théorique pour expliquer la période analysée et pour soutenir une thèse concernant la Révolution tranquille qui mériterait une étude complètement autonome et séparée de la synthèse historique. En effet, cette thèse formule l’idée que la Révolution tranquille doit se comprendre comme un large mouvement social fondé sur les revendications de groupes de pression qui contestent les prérogatives modernistes des « élites définitrices » des années soixante. Les réformes proposées par ces élites auraient été implantées de « haut en bas », alors que, durant la deuxième période, ces mêmes groupes vont imposer une approche de « bas en haut », caractéristique principale de la Révolution tranquille, selon les auteurs. De la sorte, le temps fort de la Révolution tranquille est présenté comme une véritable « prise de parole » (chapitre 4) de la part de nouveaux protagonistes qui investissent de larges secteurs de la société civile : indépendance nationale, question linguistique, immigration, révolution sociale, luttes contre le patriarcat, luttes des femmes, luttes syndicales, mouvements étudiants, environnement, droit des minorités et revendications autochtones, etc. (p. 139). Dans le contexte actuel, on peut avancer l’idée qu’il s’agit ici d’un bel exemple de « présentisme » en histoire. Dans cette étude, les auteurs optent pour une « longue » Révolution tranquille, c’est-à-dire de 1959 (mort de Duplessis) à 1983 (loi 111 du gouvernement Lévesque forçant le retour au travail dans les collèges et écoles du secteur public en plus d’une réduction de 20 % des salaires). Ce choix est bien motivé et tient compte des divergences historiographiques existantes. L’insistance sur le 7 septembre 1959 et sur le 16 février 1983 comme début et fin de la Révolution tranquille relève probablement plus de l’intérêt pédagogique des deux professeurs d’histoire que du respect de la longue durée en histoire. Toutefois, ce sont les sous-périodes utilisées qui posent problème. Elles servent tout simplement à soutenir la thèse que durant les années soixante ce sont les « élites définitrices » qui ont imposé des réformes de …

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