Frédérick Guillaume Dufour est professeur de sociologie à l’Université du Québec à Montréal. Spécialiste de la théorie politique et de la sociologie historique, il avait déjà fait paraître en 2015 l’excellent livre La sociologie historique : traditions, trajectoires et débats. Dans son nouvel ouvrage, La sociologie du nationalisme. Relations, cognition, comparaisons et processus, paru en 2019 aux Presses de l’Université du Québec, il nous propose une ambitieuse synthèse du traitement académique du nationalisme dans le large paysage des sciences sociales. Plus particulièrement, le projet de l’auteur vise à présenter fidèlement le panorama du développement des recherches contemporaines sur le nationalisme en restant fidèle aux questionnements, arguments et aux concepts développés par un vaste éventail de spécialistes du nationalisme et de ses déclinaisons. La lecture que fait Dufour de l’histoire du traitement académique du nationalisme est ancrée dans une perspective inspirée de la sociologie Wébérienne, l’interactionnisme symbolique, les analyses politiques contextuelles et le réalisme pragmatique. (p. 15) Dans cette optique, l’auteur souligne d’emblée les écueils d’une analyse objectiviste pour proposer une compréhension du nationalisme comme un ensemble de pratiques sociales plutôt que comme catégorie d’analyse (p. 21). Le projet de cet ouvrage est non seulement bienvenu en raison de la complexité des débats sur le sujet dans les sciences sociales, mais également en raison de l’absence actuelle d’un tel travail dans le monde académique francophone. L’ouvrage de Dufour est constitué de 3 parties et de 9 chapitres. Dans la première partie, il répond à l’impératif, pour toute sociologie historique, « de procéder à l’historicisation des catégories avec lesquelles elle théorise le monde social. » (p. 39) Les deux premiers chapitres du livre consistent à dresser un portrait historique du développement de la sociologie du nationalisme en l’inscrivant dans l’émergence plus globale de la sociologie et, plus spécifiquement, d’un champ d’études multidisciplinaire lié au nationalisme. Ensuite, l’auteur présente les débats autour des approches primordialistes, modernistes et ethnosymboliques. Ces approches, dont l’influence s’estompera un peu après la guerre froide et avec le début des années 2000 (p. 129) constituent le socle sur lequel une foule de nouveaux questionnements sur le nationalisme verront le jour dans une perspective contemporaine. Elles entraîneront les chercheurs sur de nouvelles pistes qui les pousseront à réfléchir le nationalisme « à partir de nouveaux objets d’études, d’un nouvel engagement ontologique et à l’égard de la catégorie de nation et d’un nouvel horizon normatif » (p. 130). Dans la deuxième partie, Dufour aborde la question du nationalisme en fonction des développements académiques plus récents en proposant trois approches : relationnelle, cognitive et comparative. Chacun de ces axes est l’objet d’un chapitre. Dans le chapitre trois, l’auteur aborde la question des clôtures sociales et des approches sociologiques pour les étudier pour ensuite, dans le chapitre quatre, proposer un survol des théories étudiant le rapport du nationalisme à la cognition. L’importance de ces deux chapitres réside également dans l’exposition de l’évolution du traitement académique du nationalisme qui passe des approches macrosociologiques historiques vers de nouvelles théories mésosociologiques et microsociologiques entraînant conséquemment une multiplication des objets d’étude. Ces contributions théoriques permettent, selon l’auteur, de lier l’analyse de phénomènes et de transformations sociales sur la longue durée à des analyses conjoncturelles ou situationnelles. Alors que ces approches contribuent à renouveler le champ d’études du nationalisme, le chapitre 5 propose une analyse des possibilités induites par les approches comparatives, en plus de mettre à l’épreuve l’heuristicité de théories développées pour des cas particuliers. Effectivement, la comparaison est indispensable « pour rendre compte du caractère généralisable ou non d’une théorie ». Elle permet de systématiser une démarche visant à dépasser la …
Frédérick Guillaume Dufour, La sociologie du nationalisme. Relations, cognition, comparaisons et processus, Presses de l’Université du Québec, Québec, collection Politeia, 2019, 536 p.[Record]
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Olivier Bérubé-Sasseville
Université du Québec à Montréal