Some features and content are currently unavailable today due to maintenance at our service provider. Status updates

Hors-dossierRecensions

Alexandre Dumas, L’Église et la politique québécoise, de Taschereau à Duplessis, Montréal/Kingston, McGill-Queen’s University Press, 2019, 337 p.[Record]

  • Guy Laperrière

…more information

  • Guy Laperrière
    Département d’histoire, Université de Sherbrooke

Alexandre Dumas publie ici sa thèse de doctorat, soutenue en 2016 à l’université McGill sous la direction de John Zucchi, L’Église face à Duplessis : le clergé catholique face à la politique québécoise de 1930 à 1960. On peut décrire Alexandre Dumas comme un chercheur modèle, fonceur, qui aime bien prendre à rebours les idées reçues. Après un mémoire de maîtrise soutenu en 2012 à l’UQTR sous la direction de Pierre Lanthier, L’abbé Pierre Gravel : comment concilier le syndicalisme avec le nationalisme d’extrême-droite (1924-1949), publié sous le titre L’abbé Pierre Gravel, syndicaliste et ultranationaliste (Septentrion, 2014), personnage important du présent ouvrage, il élargit son sujet pour aborder les relations entre l’Église catholique et l’État, entendons les gouvernements successifs du Québec, Taschereau, Duplessis et Godbout. Tout au long de ses études doctorales, il publie maints articles (j’en ai relevé sept, entre 2014 et 2016), dont deux dans cette revue, qui touchent des points centraux du livre : la question de l’ « influence indue » lors des élections québécoises de 1935 (2014) et celle du droit de vote des femmes, de 1922 à 1940 (2016). Le plus récent de ces articles porte sur le fameux « Les évêques mangent dans ma main » (RHAF, 2016) et analyse les relations Église-État sous Duplessis, deuxième mouture (1944-1959). Toutes questions fort controversées, et Dumas prend plaisir à dénoncer les mythes, sources à l’appui. Et quelles sources ! La quantité de documents dépouillés laisse pantois. D’abord, les archives de dix évêchés, notamment ceux de Québec et de Montréal, fort riches sur le sujet, puis les fonds d’une douzaine d’hommes politiques, sans compter la consultation de trente journaux et périodiques, dont on ne nous fournit malheureusement que le titre, sans indiquer ni le lieu, ni la périodicité, ni l’étendue du dépouillement. Ce n’est pas tout de lire les sources, encore faut-il les mettre en relation les unes avec les autres, ce que Dumas fait avec un sens critique remarquable. Les dix chapitres étudient, en ordre chronologique, les régimes de Taschereau, Duplessis en 1936, Godbout et Duplessis depuis 1944. Plusieurs conclusions s’en dégagent. D’abord, la continuité entre les régimes. Oublions que les libéraux auraient été anticléricaux et l’Union nationale liée aux évêques et au clergé : c’est quasiment le contraire. Le premier ministre L.-A. Taschereau et son secrétaire Athanase David consultent régulièrement les archevêques de Québec et de Montréal avant d’adopter des mesures qui peuvent toucher le clergé ; il suffit que les évêques émettent un désir pour que les autorités y accèdent. Au contraire, Maurice Duplessis ne consulte pas l’épiscopat et, malgré ses belles paroles, n’en fait qu’à sa tête et résiste souvent aux demandes du clergé. Un exemple : à l’occasion de l’année sainte de 1950, le délégué apostolique, au nom du pape, demande au gouvernement d’amnistier les grévistes d’Asbestos traduits devant les tribunaux. Duplessis se refuse à une amnistie générale, puisque cette grève était « une révolution anarchique contre la loi, contre les tribunaux et contre l’autorité légitimement constituée ». Le délégué revient à la charge : en vain. Évidemment, le lecteur a à l’esprit la photo qui figure en couverture du volume et qui nous montre Duplessis baisant l’anneau du cardinal Villeneuve lors du congrès eucharistique de Québec en 1938. Le cardinal apprécie le geste, « qui symbolise l’union chez nous de l’autorité civile et de l’autorité religieuse ». On a fait aussi grand cas du crucifix installé à l’Assemblée législative à l’ouverture de la session 1936. À l’époque, ce crucifix …