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Hors-dossierRecensions

Charles Mercier et Jean-Philippe Warren (dir.), Identités religieuses et cohésion sociale. Le Québec et la France à l’école de la diversité, Lormont, Éditions Le Bord de l’eau, 2016, 340 p.[Record]

  • Stéphanie Tremblay

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  • Stéphanie Tremblay
    Professeure, Département des sciences des religions, UQAM

La question de l’articulation des identités religieuses et des normes sociales dans les sociétés diversifiées comme le Québec et la France n’est pas nouvelle. En effet, l’analyse historique de l’irruption de ces problématiques, de l’évolution des débats ou de la structuration des réponses politiques en la matière a déjà fait couler beaucoup d’encre de part et d’autre de l’océan. Comme le soulignent de manière colorée les auteurs : « Ce faisant, nous n’inventions pas l’eau chaude (en France) ou le bouton à quatre trous (au Québec) », illustrant à la fois la convergence des enjeux touchant les deux contextes et la singularité de leurs itinéraires historiques. Mais, ce livre se distingue à de multiples égards de ceux qui le précèdent en apportant une contribution originale et significative à la littérature récente sur la laïcité. Cette valeur ajoutée se reflète d’abord dans la large palette des perspectives disciplinaires convoquées pour aborder l’objet « laïcité » (historiques, politiques, sociologiques, philosophiques, linguistiques, etc.). De manière générale, ce croisement des disciplines permet d’aborder à partir de la laïcité les questions plus larges de l’intégration culturelle, des traditions philosophiques et de régulation politique qui excèdent parfois les analyses centrées sur les rapports entre Églises et États. Contrairement à plusieurs ouvrages récents portant sur des thèmes analogues, on remarquera que cette publication regroupe des textes d’auteur-e-s associé-e-s à des horizons idéologiques divers, ce qui est intellectuellement stimulant et favorise le dialogue entre les contributions. De plus, les parties structurant l’ouvrage ne sont pas que superposées, mais ont fait l’objet d’une minutieuse planification théorique, qui permet une progression et un rattachement de la réflexion d’un texte et d’une section à l’autre. Des introductions aux différentes parties et des encadrés très à propos ponctuant les textes consolident d’ailleurs la cohérence interne d’ensemble. Une première partie aborde les principes constitutionnels et les encadrements juridiques prévalant en France et au Québec sur le plan de la régulation du champ religieux, enracinés respectivement dans la loi de Séparation en 1905 et dans la tradition libérale canadienne. Les différentes contributions illustrent clairement la plasticité des modèles de laïcité, qui au-delà des principes formels, se fondent sur un pragmatisme orienté vers le compromis avec les forces politiques en présence. Par exemple, Yann Raison de Cleuziou retrace les linéaments et l’évolution de la tradition républicaine française en relativisant la portée pratique du principe de laïcité depuis la Révolution française. En montrant les tribulations et négociations politiques entre l’Église et l’État qui ont marqué l’histoire de la République « laïque » tout en perdurant de nos jours par rapport à l’islam, l’auteur conclut en effet que le principe de séparation des Églises et de l’État « institutionnalis[e] moins un régime d’indépendance entre l’État et les religions, qu’un triomphe de la rationalité politique comme norme d’administration des religions par l’État ». Au Québec, Jack Jedwab met en doute la spécificité proclamée de l’interculturalisme par les courants nationalistes en suggérant, à partir de données statistiques, qu’il s’agit davantage d’une catégorie discursive cherchant à se construire une communauté de destin que d’un modèle effectif d’intégration. La deuxième partie lie les principes aux pratiques en se penchant sur les narrations sociales et politiques de la laïcité ainsi que sur les manières dont ces discours, marqués par des rapports de pouvoir entre les groupes, transforment le social. Il est en particulier question ici de l’argumentation qui s’est déployée au Québec et en France, sur laquelle la première est largement calquée, en faveur des droits de la majorité culturelle. Ce discours porté par plusieurs formations politiques et acteurs sociaux se décline notamment dans une laïcité nationaliste, devenue patrimoniale (David Koussens), ou …