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Dossier : Le projet du bilinguisme canadien : histoire, utopie et réalisationArticles

« Tout le reste viendra par surcroît. » L’horizon et la pratique du bilinguisme chez les étudiants canadien et québécois (1948-1965)[Record]

  • Daniel Poitras

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  • Daniel Poitras
    Université de Toronto

Le peu de contact entre les mouvements étudiants canadiens-anglais et canadiens-français tout au long du XXe siècle a été régulièrement constaté par les chercheurs, qui se sont souvent appuyés, pour parvenir à cette conclusion, sur l’isolement relatif des deux mouvements quant à leur militantisme au cours des sixties. Cette focalisation sur l’activisme a cependant fait ombrage à d’autres collaborations, comme celles entre les groupes étudiants en vue de refaire le Canada et de repenser les relations entre anglophones et francophones. Dans un contexte où le biculturalisme est érigé en utopie mobilisatrice par une partie de l’élite intellectuelle, l’appropriation du bilinguisme par les étudiants jette un nouvel éclairage sur plusieurs enjeux comme une identité générationnelle en pleine construction, l’appropriation des idéologies de type universaliste, le rapport des jeunes au nationalisme, l’émergence du syndicalisme étudiant et les circulations et réseaux de la jeunesse universitaire, qu’il s’agisse d’idées ou de personnes. En me penchant particulièrement sur le cas du groupe étudiant de l’Université de Montréal, et en examinant ses relations avec ceux du Canada anglais, particulièrement celui de l’Université de Toronto, je vais démontrer, en suivant le fil rouge (ou bleu…) du bilinguisme, comment les relations entre ces groupes se sont déployées à trois niveaux : celui des rencontres individuelles lors de week-ends d’échange, celui du journalisme étudiant et celui des structures étudiantes nationales. Des balbutiements bilingues au coin du feu dans un chalet à Sainte-Adèle à la mise en place d’un système de traduction par la Fédération nationale des étudiants universitaires du Canada (FNEUC/NFCUS), on peut dégager un certain horizon partagé du biculturalisme qui, s’il se révèle une parenthèse dans l’histoire plus longue du processus d’autonomisation et d’affirmation des mouvements étudiants canadien et québécois, n’en constitue pas moins une étape importante dans leur développement. Banc d’essai d’un internationalisme de plus en plus prégnant chez les étudiants, le biculturalisme vécu et pratiqué constitue pour plusieurs d’entre eux un test décisif qui vaut aussi comme symbole pour toute une génération qui cherche à rompre avec le passé et à poser les assises d’une nouvelle société. L’une des premières manifestations concrètes du bilinguisme individuel chez les groupes étudiants de l’Université de Montréal et de l’Université de Toronto découle d’une série d’échanges connue sous le nom de Varsity et de Carabin week-end. Deux fois par année, de 1948 à 1965, les associations étudiantes des deux universités organisent à tour de rôle un comité d’accueil de 20 à 40 étudiants pour recevoir un nombre égal d’étudiants de l’autre université. Constituées à moitié de filles et à moitié de garçons, les délégations représentent toutes les facultés et privilégient les étudiants plus vieux, plus matures et donc plus aptes à agir en ambassadeurs de leur campus et de province. Pendant quatre jours, les activités s’enchaînent, des conférences aux groupes de discussion, en passant par un souper chez l’habitant, une visite de musée, la présence à un cours, les festivités et, bien sûr, la messe (pour les plus assidus). Si ces événements ont laissé peu de traces dans les archives institutionnelles, elles ont suscité d’abondants commentaires dans les journaux étudiants des deux universités, LeQuartier Latin et Varsity. À l’origine, ces échanges visaient à dépasser la méconnaissance et les préjugés envers l’autre Canadien, francophone ou anglophone. Grâce à eux, plusieurs étudiants visitèrent pour la première fois l’Ontario ou le Québec. Si les commentaires sur les week-ends sont généralement positifs et parfois magnifiés, l’étrangeté, sinon l’incongruité de l’entreprise est également relevée. Pour un étudiant torontois, « Canada must be the only country in the world where young people from neighbouring areas feel it necessary to arrange formal …

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