À partir de 1923, le docteur Thomas Glendenning (T. G.) Hamilton et sa femme l’infirmière Lillian Hamilton, ont conduit des séances de spiritisme dans leur maison de Winnipeg. Leur volonté était de réaliser des expériences scientifiques hautement documentées, auxquelles des témoins étaient convié(e)s afin d’assurer la rigueur du processus. Il résulte de ces séances plus de 700 photographies en noir et blanc et des milliers de pages de textes, déposées en 1979 auprès de l’University of Manitoba Archives and Special Collections (UMASC) par leur fille Margaret Hamilton Bach. Constituées en fonds, ces archives font maintenant partie d’un plus vaste ensemble conservé par l’institution et composé d’archives de la recherche psychique et paranormale, ainsi que des mouvements spirites. Ce sont ces surprenants documents qui sont l’objet de l’ouvrage The Art of Ectoplasm: Encounters with Winnipeg’s Ghost Photographs. Publié en 2023 aux presses de l’Université du Manitoba, il vise principalement à contextualiser les photographies du fonds Hamilton, dont une grande partie capture ce que T. G. Hamilton qualifie de « monstrueusement extraordinaire » (cité par Keshavjee, p. 227, notre traduction), à savoir des manifestations d’ectoplasme produites par différentes médiums lors des séances. Pour ce faire, l’ouvrage rassemble les travaux de chercheur(euse)s de différents horizons avec pour objectif d’observer « la manière dont les artistes et les scientifiques ont utilisé des éléments formels artistiques pour dépeindre cette substance mystérieuse » (Keshavjee, p. 2, notre traduction). The Art of Ectoplasm est ainsi divisé en trois sections, articulant divers usages des archives Hamilton : la première est consacrée au contexte historique ; la seconde aux explorations archivistiques ; et la dernière interroge la réponse artistique à la culture des photographies d’ectoplasme. Les trois premiers chapitres de l’ouvrage s’attachent à contextualiser les expériences spirites de la famille Hamilton dans un cadre historique. De manière globale, Esyllt W. Jones situe une vague d’engouement pour le spiritisme en réaction aux pertes massives de la Première Guerre mondiale et de l’épidémie de grippe espagnole. Elle articule plus particulièrement les pratiques psychiques de la famille Hamilton en relation avec la pandémie, durant laquelle les Hamilton ont perdu leur fils Arthur. Jones interprète alors les séances « comme des pratiques dédiées au souvenir et à la préservation de leur amour pour Arthur et atténuant leur deuil en tant que survivant(e)s de la grippe » (Jones, p. 24, notre traduction). Serena Keshavjee propose un court historique des séances de spiritisme avec vocation scientifique à partir du XIXe siècle. Elle explique la manière dont la famille Hamilton participe à ce mouvement se détachant de la religion spirite, à travers la volonté de T. G. de récolter des preuves et de documenter les évènements grâce à des photographies prises par de multiples caméras, de consistantes notes de séances et la présence de témoins. Une entreprise dont T. G. se fait le porte-parole à travers de nombreuses conférences internationales. Cette omniprésence de la figure du médecin est mise en perspective par Katie Oates qui nous rappelle l’importance du travail de recherche de Lillian Hamilton dans le mouvement spirite au Canada. Souvent éclipsée par son mari, elle a toutefois été à l’origine de l’organisation des séances, mais également de la tenue de leur documentation. Elle a par ailleurs produit des albums photos annotés destinés à ses enfants, contenant aussi des informations sur les caméras qui étaient utilisées, des notes, des transcriptions, des articles de journaux psychiques, des correspondances, etc., qui illustrent son processus spirituel et intellectuel. Cet oubli s’inscrit dans les dynamiques plus larges de genre dans la recherche psychique et son histoire. C’est ensuite au fonds lui-même qu’est consacrée la deuxième partie de …
Appendices
Bibliographie
- Ectoplasme. (s.d.). Dans Dictionnaire Larousse en ligne. https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/ectoplasme/27778
- Ghaddar, J. J. (2016). The Spectre in the Archive: Truth, Reconciliation, and Indigenous Archival Memory. Archivaria, (82), 326.
- Harris, V. (2021). Ghosts of Archive. Deconstructive Intersectionality and Praxis. Routledge.
- Hubner, B. E. (2020). “The Ghostly Shadow” in the Archives: An Archival Case Study of the Creation and Recreation of the Hamilton Family Fonds at the University of Manitoba Archives & Special Collections [thèse de doctorat, Amsterdam School of Historical Studies]. UvA-DARE https://hdl.handle.net/11245.1/411b007b-ba96-476e-941d-4933f781a332
- Tai, J., Zavala, J., Gabiola, J., Brilmyer, G. ET Caswell, M. (2019). Summoning the Ghosts : Records as Agents in Community Archives. Journal of Contemporary Archival Studies, 6. https://elischolar.library.yale.edu/jcas/vol6/iss1/18
- UMASC. (2024). Archival Collections: Psychical Research and Spiritualism Collections. https://libguides.lib.umanitoba.ca/archives/archivalcollections/psychicalspiritualism
- UMASC. (s.d.). Fonds Mss 14, Pc 12, Tc 70 (A.79-21, A.79-41, A.79-52, A.79-56, A.79-65, A.80-08, A.80-25, A.81-09, A.86-56, A12-109) - Hamilton Family fonds. Manitoba Archival Information Network. https://main.lib.umanitoba.ca/hamilton-family-fonds