Abstracts
Résumé
Cette recherche explore les motivations inhérentes à la pêche commerciale de l’oursin vert par la Première Nation Wolastoqiyik Wahsipekuk. Cette pratique de pêche met en opposition une série de logiques : locales et globales, revendications territoriales et marchés étrangers, approches industrielles et préoccupations environnementales. L’article suggère que l’anthropologie contemporaine, à travers le concept d’agencement, permet une compréhension plus complète des réalités complexes de cette pratique. À partir de données ethnographiques recueillies dans l’industrie de l’oursin au Bas-Saint-Laurent, l’article soutient que cette pêche permet aux pêcheurs de négocier la préservation de leur mode d’occupation du territoire ancestral malgré les pressions écologiques, économiques et politiques propres à l’époque contemporaine. L’article suggère également que la prise en compte de cette négociation ouvre des perspectives vers lesquelles repenser nos modes d’approvisionnements alimentaires inadaptés aux réalités fluctuantes du monde contemporain.
Mots-clés :
- Agencement,
- industrie halieutique,
- patchs,
- systèmes alimentaires,
- pêche commerciale autochtone
Abstract
This research explores the rationale behind the commercial fishing of green sea urchins by the Wolastoqiyik Wahsipekuk First Nation. This fishing practice balances a number of rationales: local and global, territorial claims and foreign markets, industrial approaches and environmental concerns. The article proposes that contemporary anthropology, through the concept of assemblage, allows for a fuller understanding of the complex realities of this practice. Based on ethnographic data collected in the Bas-Saint-Laurent sea urchin industry, the article maintains that this harvest allows fishers to preserve their tenure over ancestral territory despite contemporary environmental, economic and political pressure. The article also suggests that considering this negotiation creates opportunities to rethink our food procurement methods which are ill-suited to the fluctuating realities of the contemporary world.
Keywords:
- Assemblage,
- fishing industry,
- patches,
- food systems,
- Indigenous commercial fishing
Article body
Introduction
Depuis plus de 15 ans, à l’arrivée du printemps, le village côtier de Cacouna sur la rive sud du fleuve Saint-Laurent est le théâtre d’un phénomène singulier. Pendant quelques semaines, une équipe de pêche affiliée aux pêcheries de la Première Nation Wolastoqiyik Wahsipekuk navigue quotidiennement sur l’estuaire du fleuve afin d’exploiter le seul permis de pêche commerciale à l’oursin vert en vigueur au Québec. C’est ainsi qu’annuellement, près de 110 tonnes d’oursins verts sont cueillies dans les eaux fluviales, puis exportées en grande partie au Japon. Pourtant, malgré les profits importants associés à la vente de l’oursin sur les marchés japonais, les pêcheurs locaux ne génèrent pas de revenus substantiels de leur pêche. De surcroît, la collecte de l’oursin dans l’estuaire du Saint-Laurent requiert un travail particulièrement exigeant et dangereux. Dans cette perspective, il est surprenant de constater que les pêcheries wolastoqey continuent de pêcher l’oursin commercialement en choisissant de s’inscrire dans des réseaux de distribution globale.
Dans ce contexte, les pêcheurs d’oursins tiennent également à se distinguer d’autres initiatives halieutiques de la région du Bas-Saint-Laurent, notamment les pêches de subsistance autochtone et les initiatives alimentaires non conventionnelles se multipliant dans la région. En effet, les pêcheurs soulignent que l’oursin n’est ni un aliment wolastoqey ancestral, ni un produit destiné aux marchés locaux. Les motivations sous-jacentes à cette pêche sont donc ancrées dans son potentiel de commercialisation. Toutefois, même si les pêcheurs de la région insistent sur le caractère commercial de cette pratique, la pêche à l’oursin se distingue des grandes pêches industrielles bas-laurentiennes. Les produits de ces pêches, notamment le crabe des neiges, le homard et la crevette nordique, sont reconnus par le ministère des Pêches et Océans (MPO), par les membres des pêcheries, ainsi que par les autres acteurs de l’industrie halieutique comme des marchandises lucratives. Contrairement à ces pratiques, la rentabilité de pêche à l’oursin pour les pêcheurs québécois pose un problème. En réponse à cela, de nombreux pêcheurs ont abandonné cette activité dans les années 1990. C’est aussi dans cette perspective que le MPO, inquiet de la viabilité de la pratique en raison de son potentiel commercial limité, hésite à délivrer des permis permanents. À ce jour, seul un de ces permis a été délivré au Québec. Le MPO refuse également la participation aux activités commerciales liées à la pêche à l’oursin aux pêcheurs n’ayant pas d’autres revenus halieutiques. Selon les fonctionnaires du ministère, le gain financier associé à cette activité est insuffisant pour garantir un niveau de vie convenable.
Dans ces conditions, on peut se demander pourquoi les pêcheries commerciales wolastoqey persistent dans la pratique de la pêche à l’oursin. Quel est l’intérêt, pour des pêcheurs du Bas-Saint-Laurent, de maintenir l’extraction laborieuse d’un produit dont l’exportation au Japon profitera d’abord à des sous-traitants états-uniens détachés de l’économie régionale ? Cette recherche[1] tente d’élucider les contradictions sous-jacentes à ces questions : entre global et local, entre pratiques de revendications du territoire et marchés étrangers, entre continuité de logiques industrielles et précarité environnementale. Dans ce cadre, cet article vise à mettre en lumière les logiques et les contradictions inhérentes à la pêche à l’oursin bas-laurentienne. Ce faisant, nous suggèrerons que cette pêche permet à ceux qui la pratiquent de négocier la continuité d’un mode d’occupation du territoire ancestral en dépit de changements écologiques, économiques et politiques qui exercent une pression constante sur leurs conditions d’habitabilité.
En effet, bien qu’elle se distingue des principales pêches commerciales, la pêche à l’oursin reste ancrée dans les réalités contemporaines de l’industrie halieutique régionale – un milieu mis sous pression par les nouvelles réalités climatiques, les fluctuations des marchés mondiaux et les vestiges d’un ancien modèle de gestion mésadapté aux réalités écologiques. De la sorte, à l’image de l’ensemble des sites de production alimentaires contemporains, l’extraction des oursins du Bas-Saint-Laurent est liée à un paysage complexe continuellement redéfini par dynamiques socioécologiques en constante mutation. Particulièrement dans les pêcheries (Acheson 1981 ; Charest 2012), plusieurs auteurs ont souligné un défi analytique associé à la représentation de ces sites. Cela est souvent expliqué par l’hétérogénéité des logiques qui les organisent (Tsing 2013, 2017, 2018 ; Hetherington 2020). Pour faciliter leurs analyses, ils sont souvent traités soit à travers les logiques globales qui les articulent, soit comme des cas situés et particuliers. Chacune de ces perspectives a des avantages analytiques. Toutefois, de nombreux auteurs ont soulevé l’importance de mettre en relations l’analyse globale et l’analyse située dans les études alimentaires (Clapp 2020).
L’anthropologie contemporaine offre des outils analytiques à travers lesquels mieux saisir ces flux variés. Dans cet article, à travers le concept d’agencement[2] tel que compris par Anna Tsing (2017), nous suivrons la manière dont une multitude de flux socioécologiques se rencontre dans la marchandisation de l’oursin vert bas-laurentien. Ce faisant, nous suggèrerons qu’une attention aux pratiques et aux actions permet une prise en compte ouverte des multiples réalités socioécologiques à l’oeuvre dans les sites de productions alimentaires. En analyse, nous suggèrerons que la compréhension plurielle de ces réalités offre une saisie des négociations quotidiennes à l’oeuvre dans nos paysages alimentaires contemporains. Ainsi, comprendre la manière dont ses négociations se déroulent peut d’une part faciliter une compréhension analytique de la situation présente et d’autre part ouvrir des possibilités pour (ré)imaginer nos systèmes alimentaires.
Cet article se base sur des données recueillies lors d’un terrain ethnographique, ayant eu lieu entre avril et août 2021, autour des installations des pêcheries malécites, la seule pêcherie ayant des opérations commerciales de pêche à l’oursin vert dans la région du Bas-Saint-Laurent. De manière à mieux saisir les logiques de production et le travail lié à la pratique, une observation participante a été réalisée lors de sorties de pêches à l’oursin vert. Lors de ces périodes, plusieurs conversations informelles avec divers membres de l’équipage ont permis d’éclaircir de multiples processus dont les opérations de pêches dépendent. De façon à mieux comprendre les ancrages de l’oursin dans les réalités territoriales du Saint-Laurent, des périodes d’observations participantes ont aussi eu lieu à l’extérieur de la pêcherie commerciale : des marchés publics régionaux, un musée lié aux ressources halieutiques, dans des poissonneries (n=10) et dans des restaurants gastronomiques bas-laurentiens (n=4). Ces périodes ont permis de mis en évidence une série de dynamiques en lien avec la consommation, la marchandisation ou la transformation du produit, peu visibles dans les sites de productions commerciales, mais intégrantes dans la trajectoire de l’oursin vert commercial de la région. Les données collectées lors de l’observation participante ont aussi été complétées par une série d’entrevues semi-dirigées (n=11). Ces entrevues ont été réalisées auprès de personnes liées à la trajectoire régionale de l’oursin : pêcheurs, gestionnaires d’entreprises halieutiques, chefs de cuisine, biologistes affiliés à l’Institut Maurice-Lamontagne, fonctionnaires du ministère des Pêches et Océans (MPO) et promoteurs des produits halieutiques régionaux. Les propos issus de ces entrevues précisent plusieurs facettes de la trajectoire de l’oursin : production, mise en marché, consommation, mais aussi, crucialement, vie biologique.
Chaînes approvisionnement alimentaire : agencements péricapitalistes
Les travaux actuels des études en alimentation mettent en évidence une vulnérabilité inhérente à nos modes de production et à nos réseaux d’approvisionnement alimentaire (Clapp 2020 ; Godfray et al. 2010). La fragilité de ces réseaux est d’autant plus visible et marquante à la lumière des perturbations climatiques, politiques et sanitaires caractérisant le moment contemporain. Ces déséquilibres (COVID-19, changement climatique, conflits politiques) mettent en évidence la fragilité sous-jacente du système alimentaire mondial, crucial pour la sécurité alimentaire de nombreuses communautés (Brett 2010 ; Crowther 2018). Ainsi, alors que les analystes soulignaient les faiblesses de nos modèles alimentaires depuis de longues années, ces dernières sont désormais criantes.
Dans ces circonstances, plusieurs auteurs remettent en question le modèle actuel d’approvisionnement alimentaire dominant et ses fondements des logiques industrielles et globalisées (Barthel et al. 2015 ; McClintock 2010). Il est reconnu que les réseaux mondiaux bâtis sur ce modèle jouent un rôle crucial dans l’approvisionnement alimentaire d’un grand nombre de communautés (Attwood 2005 ; Egan 2006) et emploi près d’un tiers de la main-d’oeuvre active mondialement (Clapp 2020). Néanmoins, malgré l’importance de ces réseaux pour l’alimentation et l’économie mondiales, plusieurs auteurs remettent en question la durabilité des méthodes de productions dont ils dépendent (Godfray et al. 2010 ; Longo et Clark 2012). D’autres soulèvent également les inégalités de pouvoir inhérentes à ce modèle alimentaire (Mintz 1986). À cet effet, plusieurs auteurs soulignent que la mise en place de ces réseaux priorise le profit au-delà de la nutrition, des modes de subsistances et de la vie sociale, ce qui vulnérabilise l’approvisionnement en nourriture et intensifie les inégalités sociales (Clapp 2020 ; Dickie 2009 ).
En dépit des critiques substantielles au sujet du système alimentaire agro-industriel, les chercheurs en études de l’alimentation soulignent la complexité de concevoir des alternatives viables pour le remplacer. D’abord, des solutions technoscientifiques (par exemple, la biotechnologie, l’agriculture verticale ou une révolution aquacole) offriraient la possibilité, au sein du système actuel, d’une production efficace et durable grâce à des avancées techniques ou scientifiques (Godfray et al. 2010 ; Pechlaner 2010). Cependant, des recherches critiques sur ces innovations soulignent que ces projets omettent souvent un ensemble d’externalités négatives aux coûts écologiques, économiques et sociaux importants (Crowther 2018 ; Godfray et al. 2010 ; Pechlaner 2010). Les séquelles toujours visibles de la révolution verte servent d’exemple pour illustrer l’ampleur des conséquences écologiques et sociales pouvant être liées à la suppression de diverses factrices (implications écosystémiques, coûts d’entretien, impact sur la santé humaine) dans la mise en place de ses initiatives. De plus, les travaux en études alimentaires soulignent que ces solutions, axées sur les problèmes futurs, tendent à ignorer les dysfonctionnements actuels du système alimentaire global contemporain (Clapp 2020). Ainsi, les chercheurs en « Critical Food Studies » préconisent plutôt des solutions en dehors des logiques du système agro-industriel, jugé lui-même comme inadéquat.
En réponse à ces idées, de multiples alternatives, unies par une critique du système alimentaire et une volonté de s’en extraire (Raynolds et al. 2007), ont émergé : le mouvement équitable (Moberg 2014), le mouvement « Slow Food » (Dickie 2009) ou des mouvements d’autosuffisance alimentaire à l’échelle régionale ou nationale, par exemple. Ces mouvements sont particulièrement visibles dans la région du Bas-Saint-Laurent où plusieurs projets alimentaires non conventionnels ont émergé au cours des dernières années (Doyon 2020). En reconnaissant les principes imaginatifs liés à leur mise en place, les travaux portant sur ce type d’initiative tendent à souligner les difficultés liées à leur déploiement à grande échelle. D’une part, certains environnements n’ont pas la capacité de produire une quantité de nourriture suffisante pour le bien-être des populations qui y habitent. Ce phénomène est exacerbé par les bouleversements climatiques et l’urbanisation (Agarwal 2014 ; Egan 2006). L’autosuffisance alimentaire de ces environnements étant impossible, ces derniers doivent dépendre des échanges globaux en alimentation. Toutefois, la mise en place de réseaux globaux implique une certaine institutionnalisation des initiatives alternatives. Cela est difficile considérant que la durabilité de ces initiatives dépend souvent de facteurs écologiques et sociaux spécifiques aux territoires où elles furent développées et non reproductibles à large échelle (Tsing 2017). Dans ces circonstances, plusieurs auteurs montrent comment les initiatives alternatives prépondérantes tendent à épouser des principes similaires à celle des systèmes agro-industriels globaux dans la foulée de leur internationalisation (Meneley 2004 ; Moberg 2014).
Dans un contexte de crise environnementale et de pression démographique, plusieurs analystes soulignent l’importance de renouveler les méthodes d’investigations en étude de l’alimentation de manière à concevoir des solutions réalistes et durables (Bricas et al. 2021 ; Clapp 2020 ;). Cela inclut, entre autres, l’intégration de perspectives multiscalaires dans les analyses, une approche qui est actuellement peu utilisée. De la sorte, les travaux sur l’alimentation tendent à privilégier soit une perspective globale, soit une perspective locale chacune ayant ses avantages. D’une part, une analyse globale des réseaux permet de mettre en lumière l’ensemble des collectifs et des communautés tributaires de ces derniers, ainsi que les dynamiques de pouvoir qui y circulent (Besky 2014 ; Mintz 1989). D’autre part, une analyse située permet de souligner un ensemble de facteurs écologiques et sociaux précis, essentiel à la durabilité des pratiques alimentaires et pourtant souvent omis des modèles globaux. En multipliant les points de vue, une prise en compte simultanée de l’ensemble de ces enjeux faciliterait la mise en place de solutions durables et inclusives en matière de sécurité alimentaire.
Toutefois, cette perspective analytique présente des enjeux méthodologiques (Bricas et al. 2021 ; Cargill 2015 ; Wilk 2012). En effet, les systèmes alimentaires contemporains sont complexes et composés d’une série d’institutions et de milieux singuliers et disparates. Prenons le parcours de l’oursin vert bas-laurentien en exemple. Les oursins verts pêchés au Bas-Saint-Laurent sont transformés aux États-Unis et, généralement, exportés au Japon. Durant leurs parcours, ils traversent des milieux divers : estuaire fluvial, bateaux de pêche, usine de transformation, fret aérien, marchés de poissons, etc. Il s’avère donc difficile, en pratique, de prendre en compte l’ensemble des potentiels et des vulnérabilités associées à leurs inscriptions dans des circuits globaux et dans l’ensemble des écologies distinctes qu’ils traversent. Notamment, des recherches récentes en anthropologie offrent des outils analytiques permettant de comprendre davantage ces réseaux complexes : par exemple, le concept d’assemblage ou le concept d’agencement tel que compris par Anna Tsing (2017).
Tsing, dans le livre Le Champignon de la fin du monde, portant sur le parcours d’un champignon, le matsutaké, dans les réseaux alimentaires mondiaux, présente l’agencement comme « un enchevêtrement indéfiniment ouvert de modes d’existence […]. Dans un agencement, des trajectoires variées finissent par se tenir les unes les autres, mais c’est l’indétermination qui compte (Tsing 2017, 137). » Ces agencements permettent de représenter divers réseaux et formations contemporains, dont les modes d’approvisionnement alimentaires. Au sein de ces réseaux, les trajectoires propres à des écologies situées se mêlent aux logiques imposantes du système capitaliste agro-industrielles mondiales. L’ensemble de ces trajectoires forment des noeuds, « patchs »[3], où des logiques intra et extra-capitalistes se rencontrent dans des enchevêtrements complexes que Tsing qualifie de « péricapitalistes ». Ces « patchs », sporadiques et historiquement contingents, représentent des points de rencontre à travers lesquels diverses manières d’exister se coordonnent. Si certains modes d’existence, souvent capitalistes et impériaux, ont une plus grande facilité à y affirmer leur présence, l’anthropologie, à travers L’art d’observer (Tsing 2017) peut manifester la présence de ces collectifs multiples. Comprendre les « patchs », permet ainsi de remettre au premier plan l’hétérogénéité du monde et les enseignements que l’on peut tirer des multiples formes qui y habitent. Cela, toutefois, sans remettre en doute l’ampleur des structures existantes et leurs manifestations matérielles.
L’analyse des pêcheries commerciales est reconnue comme complexe en raison de l’hétérogénéité socio-naturelle des logiques y circulant (Acheson 1981 ; Charest 2012). Ainsi, elles se présentent comme des sites de choix pour étudier les « patchs » d’agencements péri-capitalistes comme les réseaux alimentaires globaux. Cette étude est utile pour penser les réseaux alimentaires de manière multiscalaire. En effet, cette conceptualisation, selon Dodier et Stavrianakis (2018) permet de critiquer les formations globales tout en mettant de l’avant la réalité concrète des enjeux contemporains auxquels elles disent répondre. D’autre part, les auteurs soulignent que ces idées permettent la mise en valeur de la manière dont diverses communautés bricolent avec les multiples trajectoires des agencements dans lesquelles ils sont enchevêtrés de manière à sécuriser leur futur. L’exploration de l’agencement, et des « patchs » qui le constituent permettent simultanément de critiquer les logiques des systèmes agro-industriels globaux, sans nécessairement rejeter l’ensemble des perspectives qui rejoignent sa trajectoire sans nécessairement partager ses fondements.
Ce sont également ces « patchs » qui permettront d’analyser la marchandisation de l’oursin vert, au sein des pêcheries bas-laurentiennes. En effet, cette marchandisation se situe à la croisée d’une multiplicité de logiques industrielles, écologiques et sociales. Porter attention à l’agencement permet de comprendre la manière dont les acteurs impliqués dans la marchandisation négocient activement avec ces multiples trajectoires de façon à assurer la durabilité de leurs modes d’occupation du territoire. La marchandisation de l’oursin permet de souligner les collaborations possibles entre diverses trajectoires aux intérêts opposés : entre pratiques de revendications du territoire et marchés étrangers, entre la continuité de logiques industrielles et une volonté de durabilité environnementale. Cependant, elle souligne aussi la précarité sur laquelle reposent ces collaborations et l’importance de trouver des outils à travers lesquels leur (ré)imagination constante est possible.
Débuts prometteurs et réalités complexes : l’évolution de la pêche à l’oursin au Québec
La pêche à l’oursin vert a commencé au Québec il y a 30 ans, stimulée par le potentiel commercial du produit. Ce potentiel découle principalement de la demande importante pour les oursins internationaux en provenance du Japon à partir des années 1970, qui représente plus de 90 % de l’importation mondiale (Sonu 2017). À cette époque, les acheteurs japonais sont confrontés à une pénurie d’oursins dans les marchés intérieurs. En effet, une surpêche des gisements d’oursins du Pacifique a entraîné un effondrement des populations qui sont exploitées par les pêcheurs japonais (Ibid.). Face à cette crise, les acheteurs japonais sont contraints de se tourner vers les marchés étrangers pour satisfaire la demande de leur marché alimentaire, investissant des sommes considérables dans l’importation de la ressource (Ibid.).
En réponse à cette demande, de petites opérations de pêches à l’oursin vert du Maine exploitent alors l’oursin, baptisé « or vert », à des rythmes effrénés (Johnson et al. 2012). Témoins de cet entrain, et surtout des profits exorbitants lui étant associés, des gens d’affaires québécois cherchent alors à mettre en place des activités de pêche à l’oursin vert dans l’estuaire du Saint-Laurent. Michel, un expert de l’industrie halieutique bas-laurentienne, revient sur ces débuts :
Je vous signale malgré tout que la pêche à l’oursin n’a, à mon avis, aucun ancrage social ou culturel. Elle a démarré au début des années 1990 dans l’estuaire, principalement à l’entrée du Saguenay, pour des raisons simplement commerciales (exportation).
Michel, communication par courriel, 30 juin 2021
Dans une entrevue subséquente, Michel qui a côtoyé les premiers entrepreneurs d’oursins québécois souligne fortement le potentiel financier de la pêche États-Unienne qui a intéressé ces derniers à la pêche de l’échinoderme. D’ailleurs, poursuit-il, ces premiers entrepreneurs ont abandonné rapidement la pratique étant donné que le contexte de l’Est du Canada ne leur permettait pas de réaliser des profits similaires à ceux de la pêche États-Unienne.
Au Québec, la rentabilité de la pêche commerciale à l’oursin est restreinte par plusieurs facteurs. À cet effet, il est d’abord important de saisir que ce qui permet aux pêcheurs bas-laurentiens d’échanger l’oursin est sa capacité à développer des spécificités gustatives rares et prisées par les consommateurs japonais : une texture riche et des saveurs umami[4] et iodée puissantes. Néanmoins, ce goût recherché n’est pas inhérent à l’oursin. Bien que l’espèce soit abondante dans les eaux salées du Saint-Laurent, seule une faible proportion de ces représentants développe les composantes gustatives nécessaires à sa vente. C’est ce que m’explique André, un biologiste à l’Institut Maurice Lamontagne spécialiste de l’oursin vert :
Ben… il faut savoir que l’oursin vert, il y en a partout, partout, partout, partout. C’est une espèce très abondante. Mais l’oursin vert, de qualité commerciale pour la mise en marché, il n’y en a pas partout. La raison est que, pour que l’oursin vert ait une valeur commerciale et gastronomique, il doit s’alimenter de macroalgues, de laminaires.
André, entrevue, 8 juillet 2021
Dans ces circonstances, la formation du goût de l’oursin et par conséquent de sa valeur commerciale dépend de son régime alimentaire. Ainsi, un oursin vert canadien au goût enviable devra s’alimenter de laminaires vertes, une longue algue filiforme elle-même abondamment vendue dans les marchés alimentaires sous le nom de kombu. Cependant, étant omnivore, l’oursin vert ne s’alimente pas toujours de laminaires vertes et son régime alimentaire peut varier. Par chance pour les pêcheurs, la laminaire est toutefois indéniablement le choix alimentaire préféré de l’échinoderme. C’est cette préférence qui permet aux pêcheurs de cibler les zones de pêches commerciales.
Toutefois, les zones de contacts oursin-laminaire sont rares. Dans l’estuaire du Saint-Laurent, il existe un contraste important entre l’abondance de l’oursin et la rareté de la laminaire. Cette rareté, paradoxalement, est entretenue par la prédation de l’oursin sur l’algue. L’oursin décime de manière très rapide les populations de laminaires avec lesquelles il est en contact. Une fois les champs de laminaires anéantis, les oursins restent alors dans leurs milieux où ils se nourrissent de la pellicule détritique (une fine couche sédimentaire organique couvrant les fonds marins) et ne développent pas un goût désirable, ni recherché. En anéantissant les populations de laminaires de l’estuaire à des vitesses effarantes, l’oursin détruit simultanément son potentiel marchand. La situation est donc compliquée pour les pêcheurs qui cherchent à établir des exploitations de pêche à l’oursin vert à long terme.
Cependant, dans le fleuve Saint-Laurent, certains endroits bénéficient d’un concours de circonstances écologiques permettant aux populations d’oursins verts d’accéder à une alimentation riche en laminaires sans menacer cette macroalgue. Ces sites, localisés principalement dans l’estuaire, présentent des variations de salinité importantes. Aux embouchures des affluents de l’estuaire, il existe des zones tampons où l’eau n’est pas assez salée pour l’oursin, ce qui permet aux populations de laminaires de s’établir durablement. Ces populations qui sont protégées de l’oursin vert ne sont toutefois pas immuables. Les forts courants, ainsi que les tempêtes fréquentes dans le Saint-Laurent, endommagent certains plants. Ces dommages superficiels ne menacent pas la survie des peuplements, mais ils signifient souvent que des parcelles de laminaires sont arrachées et transportées par les courants marins. Ces courants portent les morceaux de laminaires vers les eaux plus salées environnantes où se situent des populations d’oursins. Ces oursins reposent ainsi sur un régime riche en laminaires, ce qui leur permet de développer un goût enviable et une possibilité d’échange. En identifiant ces populations spécifiques lors de la navigation dans l’estuaire du Saint-Laurent, les pêcheurs peuvent optimiser le potentiel marchand des oursins pêchés. Ces particularités liées au développement des qualités gustatives de l’oursin compliquent néanmoins les opérations de pêche.
De surcroît, les attentes du marché japonais ajoutent un niveau de complications à ce processus de repérage. Effectivement, au Japon, la valeur marchande de l’oursin ne dépend pas seulement de son régime alimentaire et de son goût. L’apparence de l’échinoderme est également cruciale pour son exportation. Joël, qui connaît bien le marché, explique, de la sorte, que l’oursin se détache des autres espèces commerciales, en raison de ces spécificités : « Donc l’oursin c’est un marché peut-être de caprice. C’est une appréciation visuelle de la grosseur de la gonade et de la couleur de la gonade. […] L’oursin est fortement discriminé donc ça, c’est une différenciation majeure. (Joël, entrevue, 28 juillet 2021) ». Dans ce contexte, les équipes de pêches à l’oursin doivent être doublement attentives tant au potentiel gustatif qu’à l’esthétique des produits pêchés.
Cette précision nécessaire à l’identification demande aux pêcheries commerciales d’oursin d’adopter une technique de pêche laborieuse et parfois dangereuse : la plongée. En effet, la pêche à l’oursin vert est une pêche manuelle. Des plongeurs expérimentés plongent dans les eaux du Saint-Laurent et collectent, à la main, les oursins commerciaux. Cette méthode présente plusieurs avantages. D’un point de vue écologique, elle a relativement peu d’impact sur la biodiversité en comparaison à d’autres méthodes de pêche pouvant être utilisées pour l’oursin. Par exemple, la pêche à la drague, pratiquée dans le passé, nécessite l’utilisation d’un petit engin traîné sur les fonds marins pour collecter les oursins. L’outil, toutefois, ne distingue pas les oursins des autres organismes, si bien qu’il ratisse le fond marin en décimant ce dernier.
Outre ses bénéfices écologiques, la plongée présente des avantages commerciaux significatifs en optimisant la qualité des oursins cueillis, ce que d’autres techniques exigeantes ne permettent pas. Cette méthode offre des avantages inédits pour l’identification des oursins. En effet, le plongeur expérimenté a la capacité de lire les fonds marins pour reconnaître le potentiel commercial de l’oursin. Un travail rigoureux qu’explique Joël plus en détail :
C’est une pêche très technique en plongée sous-marine. Au pied de la lettre, ne s’improvise pas plongeur professionnel qui le veut. […] On a développé une expertise, nous, à la Première Nation Wolastoqiyik dans la capture de cet oursin-là. Ça fait une décennie, plus que ça, qu’on l’exploite. Donc on connaît bien la machine. […] On est capable de lire les fonds plus prometteurs. On est capable d’estimer quel gisement pourrait possiblement soutenir une pression de pêche commerciale.
Joël, entrevue, 28 juillet 2021
Néanmoins, la plongée est une méthode exigeante qui s’accompagne de risques considérables, ce que souligne André ayant lui-même plongé dans l’estuaire lors d’évaluation scientifique :
La plongée sur la batture aux alouettes, au large de l’embouchure du Saguenay, c’est de la plongée très sportive, dangereuse. Il y a des courants de marée très très très fort. Ils peuvent vraiment être puissants là et puis, il y a des risques associés à cette activité de récolte en plongée.
André, Entrevue, 8 juillet 2021
Dans le passé, pour outrepasser ces risques, certains pêcheurs ont opté pour l’utilisation des casiers. Cependant, les oursins attirés par les appâts ne présentaient pas les qualités gustatives nécessaires à leur commercialisation. Constatant cela, les pêcheurs ont décidé de continuer la plongée : la seule technique de pêche pratiquée aujourd’hui. Toutefois, même en matière d’optimisation de la qualité des oursins, cette technique est imparfaite.
En effet, certains indicateurs de qualité, tels que les stress physico-chimiques ou les maladies, sont impossibles à évaluer lors de la plongée. Ces indicateurs ne deviennent visibles qu’au moment de l’ouverture et du décorticage de l’oursin. Toutefois, ce décorticage tue l’échinoderme et compromet sa conservation à long terme. Lorsqu’il est effectué sur les bateaux, il empêche les possibilités ultérieures de vente. Dans ce cadre, les pêcheries ne peuvent pas garantir la qualité commerciale des oursins. Sophie, une cheffe cuisinière habituée à l’échinoderme bas-laurentien, observe des variations importantes au niveau de la qualité des gonades, la partie comestible de l’oursin. « C’est [le grade] du quitte ou double. Il y a des oursins avec des gonades un peu endommagés, mais, en même temps, tant que tu ne l’as pas ouvert, tu ne le sais pas… (Sophie, entrevue, 25 juin 2021) ».
Pour l’exportation internationale des oursins, le décorticage doit être fait dans des usines réfrigérées. Cependant, de telles installations n’existent pas au Québec. La qualité des oursins est donc déterminée à l’extérieur de la province. La valeur des chargements d’oursins n’est ainsi fixée qu’après la vente de ces derniers et peut fluctuer de manière importante. Sophie poursuit son propos sur la relation entre la qualité de la gonade et le prix : « Il y a toujours des catégories 1-2-3… Mais, catégorie 1, c’est une gonade, tu sais, qui est vraiment orange : orange, claire, claire. Puis, ça vaut une fortune […]. (Sophie, entrevue, 25 juin 2021) ». Toutefois, les catégories inférieures ont une valeur d’échange beaucoup plus faible, voire nulle.
Les pêcheries, incapables de contrôler totalement la qualité exacte des produits pêchés, cherchent à maximiser la quantité d’oursins cueillis. Cela laisse cependant moins de temps aux plongeurs pour effectuer le pistage d’oursins à haut potentiel gustatif. En effet, les saisons de pêches à l’oursin dans l’estuaire sont courtes. L’oursin ne peut pas être pêché l’été, après sa période de frai, car les gonades perdent leurs volumes et sont moins désirables sur le marché. En contrepartie, les conditions météorologiques empêchent les opérations de pêches l’hiver. Les plongeurs n’ont que deux courtes périodes au printemps et à l’automne pour amasser un nombre maximal d’oursins. Les oursins cueillis rapidement ont d’autant plus de chance d’avoir une valeur commerciale basse.
En plus de cette imprécision, la plongée représente une dépense importante pour les entreprises de pêches. En raison de leur rôle central dans l’opération, les plongeurs reçoivent un salaire que l’équipage décrit comme étant « enviable » et ils bénéficient d’un pourcentage des profits de ventes. Au-delà, des salaires importants auxquels il est associé, le travail de plongée, long et minutieux, limite les profits, en lui-même. Diane, travaillant dans le domaine de la marchandisation des produits halieutiques, explique cette spécificité de la pêche à l’oursin :
L’oursin est quand même assez cher. On parle d’une cueillette manuelle la plupart du temps, ça veut dire qu’on envoie des plongeurs. Donc, ce n’est pas comme une drague où [les pêcheurs] vont bien gratter, puis où il y a des tonnes et des tonnes d’oursins. Là, on y va un par un. Donc effectivement, commercialement, ça coûte plus cher.
Diane, entrevue, 30 juin 2021
Les profits retirés de la pêche de l’échinoderme, ainsi, sont limités par le travail nécessaire à leur extraction.
De plus, des dépenses d’exploitations grandissantes : le prix des équipements, du carburant et coût de la main-d’oeuvre s’ajoutent aux dépenses liées à la plongée. Listant l’ensemble des dépenses liées à la pêche à l’oursin, Joël, dans les bureaux des pêcheries, souligne la faible valeur commerciale de l’échinoderme : « Proportionnellement, à la valeur au débarquement[5], à l’extérieur de la Sainte Trinité des crustacés [crabes, homard, crevette], ben cette relation-là n’est pas proportionnelle au débarquement. Donc, dans le cas de l’oursin par exemple, on reçoit quand même peu pour une ressource brute. (Joël, entrevue, 28 juillet 2021).
En effet, en comparaison aux autres pêches et en relation avec les coûts associés à son extraction, la valeur retirée de la vente d’un oursin est faible. En addition, peu d’oursins peuvent être échangés annuellement. Le faible nombre de gisements d’oursins commerciaux actuellement connus au Québec limite les pêcheurs dans leurs collectes. C’est également en raison de ce petit nombre que les pêcheurs doivent passer par les États-Unis pour vendre leurs oursins. Le nombre total d’oursins québécois pêchés est trop petit pour justifier la création d’une usine de transformation dans la province. Les oursins pêchés dans l’estuaire seront ainsi expédiés aux États-Unis pour être transformés, ce qui, encore une fois, limite les profits des pêcheries.
Les défis liés à la commercialisation (travail laborieux, exigence des consommateurs, frais d’exploitation, nécessité de transiger avec des intermédiaires étrangers) expliquent les raisons pour lesquelles les premiers pêcheurs d’oursins ont abonné cette pratique peu de temps après ces débuts dans les années 1990. Toutefois, il est curieux de constater qu’en 2008, les pêcheries de la Première Nation Wolastoqiyik Wahsipekuk reprennent l’activité. Ceci est d’autant plus remarquable étant donné que cette pêche suit les mêmes réseaux d’échange, que les contraintes logistiques des opérations demeurent et que les circonstances financières de la pratique restent inchangées. On peut se demander, dans ce contexte, quelles sont les motivations associées à cette reprise. Dans la suite de cet article, nous suggérons qu’aujourd’hui, la pêche à l’oursin permet à ceux qui la pratiquent de composer avec les réalités contemporaines d’un territoire qui leur est cher. Dans cette perspective, la prochaine section de cet article propose que la marchandisation de l’oursin soit au coeur d’une négociation entre la volonté de conservation des modes d’occupation des territoires ancestraux, tels que la pêche commerciale, et les perturbations économiques et écologiques de la production halieutique contemporaine.
Négocier une pérennité halieutique : récupération de la pêche à l’oursin par les Wolastoqiyik
Les Pêcheries malécites, propriété de la Première Nation Wolastoqiyik Wahsipekuk, voient le jour à l’aube des années 2000. À l’époque, la Première Nation possède déjà une flottille active. Les Wolastoqiyik pratiquent depuis les années 1990 une pêche de subsistances : les produits pêchés sont réservés à l’usage exclusif de la Nation. Le commerce de produits halieutiques représentant une activité ancestrale de la Nation, les Wolastoqiyik ont donc la volonté de redémarrer des entreprises de pêche. Toutefois, l’absence d’activités commerciales s’explique par une interdiction coloniale interdisant la pêche commerciale à l’ensemble des peuples autochtones au Canada (Michaux 2012). Au tournant du millénaire, une série de combats juridiques menés par différents membres des Premières Nations au Canada ouvre la porte à la mise en place d’une industrie halieutique wolastoqey. Notamment, en 1999, Donald Marshall Junior, membre de la Première Nation Mi’kmaq, a défendu, devant la Cour Suprême du Canada, son droit constitutionnel à pêcher commercialement. Ce droit est inclus dans le Traité de paix et d’amitié d’Halifax signé en 1760, entre les autorités coloniales britanniques et plusieurs Premières Nations présentes sur le territoire à l’Est du Canada actuel. Les traités étant, depuis 1982, officiellement reconnus dans la constitution canadienne, le droit de pêche commerciale a été reconnu. Auparavant exclus des pêches commerciales par l’État colonial, les Wolastoqiyik, signataires du Traité d’Halifax, sont alors en mesure de démarrer une entreprise de pêche commerciale : Les Pêcheries malécites.
Cette entrée de l’industrie ne s’est pas faite sans frictions. Le domaine des pêches de l’Est du Canada était à l’époque en pleine reconstruction à la suite de la crise de la morue, un évènement marquant dans le milieu halieutique. En effet, entre le XVIe et le XXe siècles, la morue représentait alors la grande majorité des revenus halieutiques canadiens. La quasi-extinction l’espèce dans l’Atlantique-Nord, dans les années 1970, a eu des conséquences importantes sur la gestion du domaine halieutique. Dès lors, la conservation d’une biomasse propice au renouvellement des espèces exploitées est devenue une obligation pour l’industrie. À cet effet, l’instauration des droits d’accès limités, prenant la forme de permis de pêche régulés par des quotas déterminés annuellement, est mise en place par le ministère des Pêches et Océans (MPO). L’industrie halieutique reste donc assez difficile à pénétrer. Marie-Ève, gestionnaire responsable de la distribution de permis pour le MPO, revient sur cet accès restreint. « Un jeune qui veut devenir pêcheur, finalement, sa seule façon de rentrer dans la pêche, c’est de se faire transférer une entreprise de pêche. Donc, il faut qu’il aille [qu’il y ait un pêcheur] qui se retire pour que le nouvel entrant puisse entrer. » (Marie-Ève, entrevue, 12 juillet 2021). Non seulement l’accès à la pêche est devenue difficile après la crise de la morue, mais un nombre important de membres de l’industrie halieutique ont également perdu leur emploi. Michel, biologiste et ancien membre des conseils halieutiques ayant suggéré le moratoire, évoque le climat de l’époque. « Cette période de moratoire, ce qu’il faut voir, c’est que ça a touché à peu près 40 000 personnes dans l’Atlantique canadien. […] Donc ça a été vraiment, euh, ça a été un tournant. Oui, ça a été vraiment une crise pour toute l’industrie de la pêche, ça a été, ça a été un choc. » (Michel, entrevue, 1er juillet 2021). C’est au cours de cette période tumultueuse que les Pêcheries malécites font leur entrée dans le domaine des pêches commerciales canadiennes. Les conflits autour de l’attribution et de la distribution des droits sont alors fréquents. Les pêcheries autochtones, nouvelles venues du domaine des pêches, sont souvent victimes des écueils de ses tensions.
Débutante dans une industrie halieutique tumultueuse, l’entreprise fait face à des défis majeurs. Joël, un des gestionnaires de la pêcherie, revient sur ces débuts :
On est au lendemain du jugement Marshall[6] […]. C’est tout nouveau pour les Premières Nations qui n’ont jamais fait l’objet de… qui n’ont aucune expérience dans les pêches commerciales. La vérité, c’est que dans les premières années, les Premières Nations sont peut-être un peu la risée des pêches commerciales. Il y a beaucoup de sous-traitance. Les pêcheurs, aides-pêcheurs, sont peu expérimentés, connaissent très peu ce qu’ils font. Il y a des histoires peut-être un peu… Il y a quelques accidents, il y a quelques blessures.
Joël, entrevue, 28 juillet 2021
Les pêcheries wolastoqey doivent également composer avec un besoin de ressources liées à la formation et le coût substantiel de l’équipement de pêches commerciales. Dans ce climat, pour faciliter son entrée, la pêcherie décide en 2000-2001 de signer des accords avec le MPO (Michaux 2012). Ces accords leur donnent accès aux aides financière et technique. En échange, les pêcheries acceptent de suivre l’entièreté des règlements de pêches du MPO. Il s’agit, pour les Wolastoqiyik, un compromis nécessaire pour continuer à vivre de la pêche, qui reste une pratique importante pour la Nation. À la suite de ces ententes, mais surtout en acquérant de l’expérience pratique, les pêcheries malécites se développent et affirment leur position dans le domaine des pêches. Joël, continue son propos au sujet de ce progrès :
Mais tranquillement, les Premières Nations acquièrent beaucoup d’expérience, connaissent mieux ce qu’elles font, s’impliquent un peu plus, contrôlent les coûts, contrôlent la qualité, augmentent leur représentation à l’intérieur de la main-d’oeuvre […]. Si bien que de fil en aiguille, d’année en année, de décennie en décennie, les pêcheries autochtones, pas seulement les Pêcheries Malécites, mais les pêcheries autochtones, sont de véritables puissances dans l’Est du Canada.
Joël, entrevue, 28 juillet 2021
La mise en place des pêcheries wolastoqey, aujourd’hui une entreprise florissante, est un exemple de persévérance et de volonté. Pour assurer son succès dans le domaine des pêches, la Première Nation a dû négocier avec l’hostilité d’une industrie peu accueillante, les conséquences d’une crise écologique importante ayant profondément affecté l’accès à la ressource et les relations avec un cadre juridique parfois contraignant. À travers leur parcours, ils ont, comme le souligne Joël, acquis une place importante dans les pêches de l’Est du Canada. Cette place leur permet de continuer une pratique commerciale représentative des modes d’occupation des territoires ancestraux de la Nation. Cependant, leur position avantageuse ne peut à elle seule, garantir la pérennité de la pratique. Comme la prochaine section le souligne, la pérennité de cette pratique reste constamment menacée par les perturbations climatiques contemporaines, demandant ainsi une flexibilité et une créativité constante pour les entreprises voulant assurer leur durabilité. La pêche à l’oursin se situe au coeur de ces négociations.
En effet, le début de l’exploitation de l’oursin par les Wolastoqiyik est une réponse directe aux précarités environnementales contemporaines affectant l’industrie halieutique du Canada. De la sorte, au début de la pêcherie, les Wolastoqiyik se concentrent sur l’exploitation de deux ressources : le crabe des neiges et la crevette nordique. Cela est représentatif de l’industrie halieutique bas-laurentienne où ces deux espèces, à fort potentiel commercial, représentent la grande majorité des espèces exploitées (MPO 2022). Toutefois, au milieu des années 2000, des préoccupations au sujet de ces ressources se font sentir. D’une part, une hausse de compétitivité dans les marchés internationaux des crabes nordiques et des crevettes occasionne une baisse de la demande pour les produits bas-laurentiens plus coûteux que leur compétiteur. D’autre part, la durabilité des exploitations de crabes inquiète les biologistes de l’époque qui observent une baisse dans la biomasse de la ressource. Cela joue directement sur la taille des quotas de crabes déterminés par le MPO. Le total admissible de captures associées à chaque permis se voit ainsi réduit, ce qui diminue les ventes des pêcheries. Aux difficultés du marché et aux préoccupations écologiques s’ajoute une augmentation générale des dépenses de pêches.
La situation est inquiétante pour la durabilité de l’entreprise et pour les Wolastoqiyik. Cela à des conséquences financières. Ces dernières, toutefois, sont éventuellement palliées par une diversification des activités commerciales de la Nation vers des secteurs à haut revenu[7]. Malgré les possibilités financières offertes par ses nouvelles industries, la sauvegarde de la pêcherie reste importante pour les Wolastoqiyik. L’entreprise n’est pas que financière, elle permet la pérennité d’une pratique ancestrale, ayant une valeur importante et longtemps interdite. La Nation multiplie donc les efforts pour conserver cette activité. À cet effet, les Wolastoqiyik adoptent une stratégie principale : la diversification des pêches. Dans ce cadre, les responsables des pêcheries demandent au MPO l’accès à de nouveaux permis leur permettant l’exploitation d’un plus grand nombre d’espèces. Ces nouveaux accès permettent à la pêcherie de se soustraire de leur dépendance aux crabes et aux crevettes. Si la taille de ces espèces venait à descendre en-dessous d’un « seuil d’exploitation minimal », le nombre d’individus biologiques nécessaire pour assurer la durabilité de l’exploitation d’une espèce donnée, les activités des pêcheries pourraient continuer.
L’obtention de ces nouveaux permis n’est pas aléatoire. Le MPO, soucieux de conserver la taille des quotas de pêches à leur maximum, ne distribue pas de nouveaux permis pour les espèces halieutiques les plus populaires. Les permis disponibles visent des espèces moins fréquemment exploitées et souvent, moins profitables. Ces permis sont principalement exploratoires. C’est-à-dire qu’ils ne sont pas garantis et que les profits qui leur sont associés restent à déterminer. Les entreprises ont la charge de réaliser des études des marchés. L’obtention de ces permis est donc liée à un risque considérable d’un point de vue de la profitabilité. Il est aussi important de noter que ces permis incluent souvent une clause de participation. Les détenteurs de permis sont donc dans l’obligation de pratiquer la pêche en question. Le permis ne peut représenter des activités spéculatives. C’est en connaissance de cause que les pêcheries commerciales wolastoqey demandent et reçoivent des permis de pêche à l’oursin verts en 2006. Cette action représente une volonté des membres de pêcheries malécites à continuer leurs activités de pêches, et ce, malgré les incertitudes financières associées à la pêcherie.
La pêche à l’oursin : assurance précaire dans un monde halieutique en mutation
Les incertitudes liées à la pêche à l’oursin ne se limitent pas à son potentiel financier. La pêche à l’oursin, ancrée dans le fleuve Saint-Laurent, reste tributaire de l’imprédictibilité des écosystèmes fluviaux. Cela plonge l’ensemble de l’entreprise commerciale dans une indéniable précarité. En effet, l’absence de contrôle est intrinsèque aux pratiques de pêches à l’oursin vert de l’estuaire. La durabilité de la production est mise à l’épreuve par les réalités climatiques contemporaines affectant l’équilibre fragile de l’estuaire du Saint-Laurent. Les changements de l’écosystème sont désormais, plus fréquents, plus brutaux et moins prévisibles (Savenkoff et al. 2017). Les modèles de pêche actuels, responsables de s’assurer que la pêche canadienne reste durable, ont pour l’instant de la difficulté à prendre ces turbulences en compte. C’est ce que me traduit André, responsable pendant de longues années du calcul de ces modèles :
C’est une chose quand la principale source de mortalité c’est l’homme, puis que tu peux bien contrôler cette source-là en gérant la pêche, mais si tu rajoutes par-dessus ça d’autres sources de mortalité qui ne sont pas fixes qui évolue dans le temps ? Parce que les changements climatiques, c’est ça. Les conditions vont dans une direction, puis il n’y a plus de point d’équilibre. Là, les conditions sont toujours en train de changer. Si on ajoute des nouvelles sources de mortalités qui sont importantes, que ça soit des maladies, des prédateurs ou des stresses physico-chimiques, salinité, température, leurs effets directs… il faut être beaucoup plus prudents dans la gestion.
André, entrevue, 8 juillet 2021
Les entrevues avec des biologistes, des gestionnaires du MPO et des pêcheurs soulignent l’imprécision de ces modèles. Leurs prédictions, comme Benjamin, biologiste au MPO, le mentionne, restent nébuleuses :
À ce jour, dans les avis scientifiques, il semblerait qu’il y ait une certaine stabilité [dans le gisement d’oursins], avec des variations. […] Mais il y a une certaine gamme, si tu veux, une tranche où la variation est toujours dedans. Mais on ne sait pas si cette gamme là… Est ce qu’elle est durable ou pas ?
Benjamin, entrevue, 30 juillet 2021
Toutefois, les conséquences de mauvais calculs peuvent être désastreuses. Des évènements contemporains, comme des moratoires récents sur la pêche aux crevettes dans plusieurs secteurs de l’Est du Canada affectant le mode de subsistance d’un grand nombre, servent de rappels importants sur l’ampleur de ces dernières. Pour l’instant, comme le mentionne Benjamin, les populations d’oursins semblent stables. C’est aussi ce que rapportent les pêcheurs qui décrivent un gisement en bonne santé dans lequel les oursins juvéniles abondent, un bon signe pour sa pérennité.
Cette durabilité, néanmoins, n’est pas une assurance. L’instabilité climatique contemporaine continue de la vulnérabiliser. Les pêcheurs d’oursins sont conscients de cette précarité. Les évènements encore frais de la crise de la morue et les variations constantes de la taille des quotas annuels contribuent à souligner cette vulnérabilité. Les questions se multiplient dans les pêcheries et les réponses sont rares :
On parle beaucoup d’acidification des océans, donc quel va être la résilience de l’oursin vert par rapport à ça ? Est-ce que l’oursin va avoir de la misère à se calcifier ? Est-ce que sa coquille va être plus mince ? En fonction du réchauffement de certains courants de surface, est-ce que la survie larvaire va être aussi bonne ? Est-ce qu’une maladie va peut-être apparaître ? Est-ce que, soudainement, une prédation d’un poisson connu ou inconnu va apparaître ? Donc, bien sûr qu’il y a des dizaines d’interrogations, mais je pense qu’on a peu de réponses à ces questions-là en ce moment.
Joël, entrevue, 28 juillet 2021>CIT>
Cette vulnérabilité s’ajoute aux profits minimes de la pêche au Bas-Saint-Laurent. S’il existe des potentiels marchands, à travers l’aquaculture ou le développement de nouveaux marchés par exemple, le futur de l’industrie reste constamment soumis aux bouleversements écosystémiques. Néanmoins, bien qu’elle s’inscrive dans des réseaux agroindustriels, souvent mis en place sous l’égide du profit, la pratique elle-même n’est pas gouvernée par ce dernier. La pêche à l’oursin est un agencement. Elle se constitue au point de rencontre d’une multitude de logiques industrielles, sociales et écologiques.
Conclusion
La pêche commerciale à l’oursin se constitue à l’intersection de processus disparates et parfois contradictoires. Au sein des pêcheries wolastoqey, les logiques économiques globales se mêlent à la préservation des modes d’occupation des territoires ancestraux, tandis que le modèle industriel régional se confronte à une volonté de durabilité écologique. Ces dynamiques convergent donc dans un « patch » précapitaliste, c’est-à-dire un espace où s’enchevêtrent les structures globales et les réalités territoriales hétérogènes.
Comprendre la commercialisation de l’oursin comme un agencement au sein de ses « patchs » ouvre simultanément la porte à la critique et à l’espoir. D’une part, l’organisation de la pêche à l’oursin vert, au Bas-Saint-Laurent, suit des logiques industrielles propres aux réseaux capitalistes représentatifs de l’industrie agroalimentaire mondiale. Ces logiques ont des conséquences sociales et écologiques qui, comme nous l’avons vu, posent une série de problèmes que nous avons discutés dans l’article : précarité du travail des pêcheurs, instabilité écosystémique, dépendance aux dynamiques versatiles des marchés internationaux. D’autre part, l’idée d’agencement permet de souligner l’hétérogénéité des dynamiques au coeur des pratiques territoriales. Elle permet de mettre en lumière la pérennité et la survie de trajectoires extra capitalistes qui sont souvent omises des analyses globales. Outre une compréhension plus complète des pratiques locales, la représentation de cette hétérogénéité offre des réponses aux études alimentaires quant à l’imagination de modèles durables.
En effet, les Wolastoqiyik, conscients des réalités d’un monde contemporain en perpétuel bouleversement, (ré)imaginent constamment de nouvelles pratiques pour pérenniser leurs modes d’occupations du territoire. L’instauration de la pêche à l’oursin en réponse aux fluctuations des stocks de pêches industrielles en est une illustration. L’agencement que constitue la pêche à l’oursin n’est donc pas fortuit : il est le résultat d’une négociation continuelle des Wolastoqiyik avec les réalités fluctuantes de leurs territoires. Cet agencement est composé au quotidien avec les matérialités complexes (historiques, écologiques, coloniales) d’un territoire qui leur a été légué et face à la nécessité d’allier ces processus aux modes d’occupations du territoire et à l’incertitude des conditions d’habitabilités. Ainsi, l’assemblage des pratiques de pêches à l’oursin, des enjeux climatiques, des logiques des chaînes globales, des dynamiques territoriales et des revendications autochtones mettent en exergue les difficultés de maintenir une pêche soutenable, d’un point de vue aussi bien social qu’écologique. C’est à partir de l’analyse de ces dynamiques complexes que nous pourrons trouver des solutions à des modes d’habitabilités de la terre au XXIe siècle.
Appendices
Notes
-
[1]
Réalisée dans le cadre d’une Maîtrise en anthropologie financée par le CRSH et le FRQSC.
-
[2]
L’agencement, qui sera conceptualisé plus en détails dans la suite du texte, peut être défini comme « un enchevêtrement indéfiniment ouvert de modes d’existence […]. Dans un agencement, des trajectoires variées finissent par se tenir les unes les autres, mais c’est l’indétermination qui compte (Tsing 2017, 137). »
-
[3]
Dans des articles plus récents, Tsing, Mathews et Bubandt (2019) utilisent le concept de « patch » pour identifier ces noeuds. Pour rester cohérent avec les travaux contemporains, c’est ce concept qui sera utilisé dans le reste de l’article.
-
[4]
Le terme umami, issu du japonais, se traduit par « goût délicieux » ou « essence de saveurs ». Très recherché en gastronomie, l’umami est parfois considéré comme la cinquième saveur de base après le sucré, le salé, l’acide et l’amer.
-
[5]
L’expression « valeur au débarquement » représente les profits nets associés à la vente des produits pêchés par sortie de pêches.
-
[6]
Le jugement Marshall fait référence à la décision juridique rendue à la suite de la réclamation de Donald Marshall Jr. Ce jugement permet aux Premières Nations autochtones de l’Est du Canada l’accès à la pêche commerciale.
-
[7]
D’un point de vue économique, la pêche est importante pour la Première Nation pour qui elle représente, à l’époque, près de 80% des revenus (Michaux 2012). Devant cette situation, la Première Nation décide de diversifier leurs activités commerciales vers des domaines d’activités comme le tourisme ou la foresterie.
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